Les caméras de surveillance pourront-elles servir à identifier les personnes contaminées par le Covid-19 ?

Caméras de surveillance : pour détecter les personnes contaminées ?

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Caméras de surveillance : un détournement justifié par des motifs sanitaires

 

En France, l’usage volontaire de l’application StopCovid, pour informer d’un risque l’entourage d’une personne contaminée, peine déjà à s’imposer. Alors, utiliser les caméras de surveillance, associées à la reconnaissance faciale, pour tracer les malades est-il concevable ? On peut se poser la question. Même si la Russie utilise déjà ce genre de dispositif pour surveiller son confinement.

 

Une technologie controversée

Actuellement, l’entreprise américaine Clearview encourage à se servir de toutes les caméras de surveillance existantes pour lutter contre le Covid-19. Pour se justifier, son fondateur Hoan Ton-That n’hésite pas à affirmer « Nous avons besoin d’être capables de tester rapidement mais aussi de tracer les personnes pour savoir avec qui elles ont été en contact. » Cependant, quand le Président de Clearview fait cette déclaration, quelle place laisse-t-il à la protection de l’anonymat des personnes surveillées ?

De fait, dans l’Hexagone, la technologie de la reconnaissance faciale reste aujourd’hui controversée. Alors, se servir d’enregistrements vidéo à des fins sanitaires ne sera pas si simple. Car cela reviendrait à créer une banque d’images des personnes infectées. En effet, contrairement à la Chine ou à la Russie, où cette pratique est largement répandue, en France, le RGPD veille. Ainsi que la CNIL. Face à ces deux garants de nos libertés, on peut douter que l’argument de Clearview « Tout ce que nous faisons, c’est apporter la technologie d’identification […]. » suffise. En tous cas, cela reste à voir. Justement !

Un usage contestable

Les caméras de surveillance ont été envisagées pour lutter contre l'épidémie du coronavirus.

Les caméras de surveillance ont été envisagées pour lutter contre l’épidémie du coronavirus.

En France, à l’avenir, l’enthousiasme de Clearview à l’égard des caméras de surveillance existantes, pour tracer les malades atteints du coronavirus, risque de choquer. Car se servir d’enregistrements publics pour lutter contre des incivilités ou des crimes est très différent de traquer des citoyens malades. En effet, se permettre ce genre de surveillance, sous prétexte qu’on reste dans l’espace public, fait immanquablement penser à Big Brother.

Quelle marge d’erreurs ?

Sans se montrer trop suspicieux, on peut toujours mettre en doute la fiabilité absolue d’un tel procédé. De fait, un pourcentage d’erreurs est toujours possible. Surtout pendant une période où le port d’un masque sera vivement recommandé. Cela cachera forcément une grande partie des visages filmés. Une critique dont Clearview se débarrasse en expliquant qu’un tout petit carré pris sur un visage lui suffit à identifier une personne avec certitude. Une affirmation qu’on est en droit de vouloir vérifier.

Un système de défense limité

Quand on lui reproche d’alimenter sa base de données de trois milliards de portraits en utilisant en partie les réseaux sociaux, Clearview se retranche derrière le fait que seule la police utilise actuellement ces informations. Or, se procurer ainsi des photos outrepasse clairement les principes du RGPD. Par conséquent, cela s’apparente à de la collecte sauvage. Et la défense adoptée ce jour par l’entreprise américaine, qui admet qu’elle empiète « un petit peu sur la vie privée », risque de ne pas vraiment convaincre la CNIL. Ce qui compromet l’usage futur des caméras de surveillance pour détecter les malades atteints par le Covid-19.

  • Nous vous invitons à lire également notre article sur les questions de la CNIL concernant l’application StopCovid
  • Le Bulletin des Communes vous suggère aussi l’article de Ouest France


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Né à Paris le 12 Décembre 1981, Pierre Baron est un journaliste français. En 1999, à tout juste 19 ans, il débute une carrière de journaliste à News-York sur la chaîne spécialisée en économie Bloomberg TV. Il rejoint BFM TV dès son lancement en 2005 et anime des émissions sur la chaîne d'info en continu de 2005 à 2010. On le voit ensuite sur iTélé, entre 2011 et 2017 date à laquelle il intègre la rédaction du Bulletin des Communes qui lui confie la rubrique NTIC.