Prudence et pression économique : un arbitrage sensible
Depuis le 11 mai, choisir entre prudence et pression économique, face au coronavirus, devient de plus en plus délicat. En effet, ce dilemme divise aujourd’hui le monde médical, face à de nombreux élus.
Deux tendances opposées
Alors que la deuxième phase du déconfinement partiel va bientôt atteindre un mois, la maîtrise de la crise sanitaire semble se renforcer. Cependant, le choix entre prudence et pression économique reste problématique. Même si le nombre des patients placés en réanimation et des décès chute. Cela pousse certains à réclamer une accélération du dispositif sanitaire mis en place. Afin d’entamer plus rapidement une troisième phase, très attendue. Au contraire, pour d’autres, les contraintes actuelles doivent être maintenues, si l’on veut consolider la victoire remportée contre la Covid-19. Aujourd’hui, ces deux tendances ont chacune leurs partisans.
Des divergences croissantes
Actuellement, les effets négatifs du confinement partiel, toujours en vigueur, sont de plus en plus critiqués. Y compris dans le monde médical. Ainsi, beaucoup de professionnels de santé sont dorénavant partisans d’une accélération du déconfinement. Entre autres, pour permettre une reprise économique plus large. De fait, cet avis est défendu par l’élu Philippe Juvin, représentant LR. Il est par ailleurs chef des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou. Selon lui, nos capacités désormais acquises de détecter les foyers d’infection dès qu’ils surgissent autoriseraient moins de contraintes sanitaires. D‘où une attente croissante d’un déconfinement plus rapide. A l’évidence, ce courant médical en faveur de mesures de protection moins strictes est en train de s’amplifier. Par conséquent, au quotidien, ce courant serait favorable à la mise en place d’un protocole plus permissif. Notamment dans les écoles, et aussi pour certaines activités culturelles (cinémas, etc.). Alors, que choisir, entre prudence et pression économique ?
Une impatience latente
Cette tendance favorable à de mesures moins strictes arrangerait beaucoup d’activités professionnelles. En priorité, les restaurateurs franciliens, qui acceptent de moins en moins la contrainte de n’utiliser que leurs terrasses pour travailler. Surtout après la manifestation d’hier, place de la République, où la distanciation physique n’était clairement plus respectée. Par ailleurs, pour les petites et moyennes entreprises, les achats de matériel de protection commencent à peser lourd. Donc, certains pensent que la question entre prudence et pression économique devrait se résoudre plus vite.
Des indicateurs encourageants
Ces derniers jours, les indicateurs positifs sur le repli actuel de l’épidémie fournissent un argument de poids aux partisans d’un déconfinement accéléré. D’autant plus que certains avis scientifiques l’encouragent. Mais à condition de conserver une vigilance minimale. Or, c’est précisément là que se trouve la difficulté. Celle de trouver le bon dosage.
Ne pas aller trop vite
Malgré cette impatience, compréhensible, Olivier Véran, ministre de la Santé, entre prudence et pression économique a choisi la prudence. En effet, pour lui, même si la situation sanitaire s’est améliorée, « […] il est trop tôt pour relâcher en aucune manière notre vigilance ». Ainsi, il considère que bien qu’on ait remporté une victoire sur le coronavirus, « […] on n’a pas encore gagné la guerre ». Par conséquent, à ses yeux, abandonner tout protocole serait une grave erreur. Même son de cloche du côté du Premier ministre, qui souhaite lui aussi maintenir la date du 22 juin, avant de passer à la troisième étape du déconfinement. Pas avant. Car il considère qu’en accélérant, ce « […] serait prendre un risque, non d’aller plus vite mais de revenir en arrière. »
Prudence et pression économique : éviter les mauvaises surprises
Cette évaluation entre prudence et pression économique aboutit à une position ferme chez certains infectiologues. De fait, une partie d’entre eux craint qu’en baissant la garde trop tôt, on s’expose à de mauvaises surprises. Notamment Patrick Goldstein, qui dirige le SAMU du CHU de Lille. Très mesuré, il a affirmé dans une interview « On n’a pas encore gagné. La vigilance doit rester la règle et il faut encore être prudent. Probablement quelques mois. » Car, comme le rappelle régulièrement le message préventif diffusé à la télévision « Le virus circule toujours. » Ce qui explique que le choix entre prudence et pression économique soit si difficile.
- Le Bulletin des Communes suggère aussi de lire l’article des Echos