Un climat de tension inédit entre les associations et les collectivités

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Alors que la question du financement de la prime Ségur continue d’empoisonner les relations entre les associations du secteur social et médico-social et les départements, Nexem franchit un nouveau seuil. Son président, Alain Raoul, confirme que plus de 250 structures adhérentes se préparent à saisir les tribunaux administratifs. L’organisation, qui représente la majorité des employeurs associatifs du champ social, juge intenable la situation créée par ce qu’elle considère comme un désengagement croissant de l’État et un transfert brutal de charges vers les collectivités.

Depuis des mois, les associations alertent sur l’impossibilité d’assumer le financement intégral de la prime Ségur, une mesure nationale dont l’application, dans les faits, repose en grande partie sur les budgets départementaux. Pour Nexem, cette mécanique provoque non seulement des inégalités territoriales, mais met surtout en péril des structures déjà fragilisées par l’inflation, les tensions de recrutement et les retards de revalorisation. Alain Raoul insiste désormais : la voie contentieuse devient incontournable.

Une bataille budgétaire qui s’intensifie

En octobre, Nexem avait transmis 82 propositions concernant les budgets de l’État et de la Sécurité sociale pour 2026. L’objectif était d’obtenir un rééquilibrage réel du financement public, en particulier dans un secteur confronté à une montée continue des besoins, qu’il s’agisse de protection de l’enfance, d’accompagnement des personnes handicapées, d’hébergement d’urgence ou d’insertion par l’activité économique. Or, selon l’organisation, le projet de budget présenté par le gouvernement s’est révélé particulièrement défavorable.

La hausse de l’Ondam social et médico-social limitée à 1,6 point est jugée très en-deçà de la réalité économique des établissements et services. Les restrictions de moyens pour l’IAE sont considérées comme un contresens social complet. Malgré un intense travail de lobbying, Nexem estime que les signaux restent insuffisants. Certaines avancées, arrachées en commission, pourraient d’ailleurs disparaître lors de la navette parlementaire, le président du Sénat ayant déjà annoncé son intention de revoir plusieurs arbitrages.

Alain Raoul s’inquiète également du calendrier institutionnel. La procédure budgétaire accélérée, imposée par la Constitution, réduit selon lui la capacité des parlementaires à corriger les déséquilibres. Il redoute que, faute d’ajustements rapides, les budgets 2026 ne provoquent une aggravation historique de la situation financière des associations, au point de menacer la continuité de certaines missions d’intérêt général.

Les contentieux comme dernier levier de pression

Face au refus de nombreux départements d’assumer l’intégralité du financement de la prime Ségur, Nexem encourage explicitement ses adhérents à engager des recours. Les actions contentieuses, déjà engagées ici ou là depuis plusieurs mois, prennent désormais une ampleur nationale. Pour l’organisation, il s’agit moins d’une stratégie que d’un constat : les discussions avec les collectivités et l’État ne suffisent plus à débloquer un dossier qui s’enlise.

Le président de Nexem justifie ce choix par une réalité budgétaire devenue insoutenable. Dans de nombreux territoires, les départements ont averti qu’ils n’étaient plus en mesure de financer la revalorisation salariale sans soutien complémentaire de l’État. Les associations, elles, n’ont simplement pas la possibilité de compenser cette absence de financement, sous peine de déficits structurels immédiats. La confrontation devant les tribunaux apparaît donc, selon Nexem, comme l’ultime voie pour obtenir l’application d’un principe simple : une mesure nationale doit être financée par la solidarité nationale.

Une crise structurelle qui dépasse le seul Ségur

Au-delà de la polémique sur la prime Ségur, Nexem décrit une crise plus profonde. Les associations doivent absorber des demandes croissantes, gérer des pénuries de personnel et composer avec des normes renforcées, sans que les financements ne suivent. Beaucoup ont déjà réduit des activités, gelé des projets ou renoncé à ouvrir des places supplémentaires pourtant indispensables.

Le risque majeur, souligne Alain Raoul, est celui d’un effondrement progressif de pans entiers du secteur social et médico-social. Les ruptures d’accompagnement pour les personnes vulnérables ne sont plus une hypothèse théorique : elles se produisent déjà dans certains départements, faute de moyens. Pour Nexem, l’année 2026 pourrait devenir un tournant décisif, soit vers une remise à niveau des financements publics, soit vers une dégradation encore accélérée.

Les prochains arbitrages parlementaires seront donc déterminants. Mais pour l’heure, l’organisation ne donne aucun signe de ralentissement. Elle appelle ses adhérents à « agir », à défendre leurs droits et à faire reconnaître l’obligation pour l’État de financer ce qu’il décide. Le bras de fer autour de la prime Ségur ne fait que commencer, dans un climat où les associations disent n’avoir jamais été aussi inquiètes pour leur avenir.