Dans cette tribune, un expert des politiques territoriales analyse un enjeu devenu incontournable pour les années à venir : la résilience des communes. Face aux crises climatiques, numériques, sociales et sanitaires, les municipalités devront renforcer leur capacité à anticiper, absorber et dépasser les chocs.


La résilience, un impératif devenu évident

Le monde change à grande vitesse. Les communes françaises ont été confrontées successivement à une crise sanitaire d’ampleur inédite, à des cyberattaques paralysant des mairies, à des catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes, à une inflation durable et à une demande citoyenne plus exigeante. Face à cette instabilité, la résilience locale devient un enjeu stratégique. Les prochaines élections municipales de 2026 ne pourront ignorer ce thème majeur. Il ne s’agit plus seulement de « revenir à la normale », mais de bâtir une capacité permanente d’adaptation. Les collectivités ont désormais pour mission d’anticiper les risques, d’absorber les chocs et de reconstruire plus fortes — en passant de la gestion de crise à la transformation positive.


La résilience climatique : première ligne de défense

Les épisodes climatiques extrêmes se multiplient, des canicules aux pluies diluviennes, des incendies aux sécheresses, sans oublier les inondations. Dans ce contexte, les communes doivent anticiper non seulement en construisant des plans de prévention mais aussi en modifiant l’aménagement urbain : prévoir des zones d’ombre dans les écoles, créer des bassins de rétention des eaux pluviales, privilégier des revêtements perméables, végétaliser les espaces urbains, et surveiller les zones à risques. La résilience climatique passe aussi par la protection des habitants les plus fragiles, ceux pour qui un coup de chaleur ou une crue peut avoir des conséquences dramatiques. Par ailleurs, l’approche territoriale s’impose : comme le souligne le document récent du CEREMA, la résilience implique de dépasser les seuls objectifs de croissance économique pour inclure des dimensions historiques, culturelles et sociales du territoire. Enfin, le label Résilience France Collectivités permet aux communes d’évaluer et valoriser leur préparation face aux risques majeurs, qu’ils soient naturels, technologiques ou cyber.


La cybersécurité : un nouveau front pour les mairies

Les cyberattaques contre les collectivités ont explosé et visent désormais les mairies, les services d’état civil, les inscriptions scolaires ou les réseaux sociaux municipaux. L’installation d’un rançongiciel peut paralyser une commune entière, interrompre les services sociaux ou rendre inaccessibles les bases de données administratives. Il devient impératif pour les communes de sécuriser leurs serveurs, former leurs agents, élaborer un plan de continuité informatique, multiplier les sauvegardes et renforcer les partenariats avec l’ANSSI. Dans cet espace, la résilience prend une dimension numérique : la collectivité ne peut plus considérer qu’elle est à l’abri. Elle doit être capable de résister à des attaques, de maintenir ses missions essentielles et de rebondir après un incident. L’interdépendance des réseaux, soulignée dans les analyses du CEREMA, montre que rien n’est autonome.


Résilience économique : soutenir les entreprises locales

Les crises récentes — sanitaires, énergétiques, géopolitiques — ont fragilisé nombre d’acteurs économiques locaux. Une commune résiliente doit avoir une vision proactive : accompagner les commerçants, réduire les loyers des locaux municipaux, moderniser les marchés publics pour faciliter l’accès des PME, renforcer l’attractivité commerciale et soutenir l’économie sociale et solidaire. Le maintien d’un tissu économique vivant est un pilier de la résilience. En effet, lorsque les entreprises locales résistent, les habitants restent sur place, les emplois se maintiennent et les recettes fiscales locales sont préservées. Dans ce domaine, la commune agit à plusieurs niveaux : en soutien direct, mais aussi en créant les conditions d’un écosystème plus robuste.


Résilience sociale : renforcer la cohésion et les solidarités

La cohésion sociale est un facteur déterminant de stabilité. Les municipalités doivent investir dans les structures destinées aux personnes âgées, renforcer les dispositifs pour les jeunes, développer la prévention, les médiateurs sociaux, l’inclusion numérique et les espaces publics conviviaux. Une commune unie résiste mieux aux crises. En effet, lorsque les citoyens se sentent connectés, informés, impliqués, ils sont davantage en mesure de collaborer lors d’événements majeurs. L’approche territoriale montre que la résilience n’est pas seulement technologique ou infrastructurelle, elle est aussi culturelle et sociale.


Résilience démocratique : régénérer la confiance

Le lien entre élus et habitants s’est parfois fragilisé. Pour restaurer la confiance, les programmes 2026 doivent encourager la participation citoyenne, la transparence budgétaire, les consultations régulières, les outils numériques de dialogue, des élus disponibles et accessibles. Une démocratie locale forte fait partie intégrante d’une commune résiliente : elle permet de mobiliser les habitants avant la crise, d’entendre leurs besoins pendant la crise et de construire avec eux après la crise. Ce volet démocratique est souvent sous-estimé mais il est la base de toute politique de résilience durable.


Coopération intercommunale : la clé pour résister ensemble

Les crises dépassent souvent les frontières communales. Qu’il s’agisse d’inondations, de coupures d’électricité ou de cyberattaques, les maillons faibles peuvent se trouver dans des territoires voisins. La coopération intercommunale permet de mutualiser équipements, compétences, ressources, plans de sauvegarde, projets énergétiques, transports collectifs. Une collectivité isolée peut avoir toutes les bonnes pratiques, mais si les alentours ne suivent pas, la vulnérabilité reste. L’effort collectif est donc central. Les communes et leurs intercommunalités doivent impulser des stratégies partagées et des solidarités territoriales.


Conclusion : un cap stratégique pour le mandat 2026-2032

Les communes devront aborder les années à venir avec une vision claire : anticiper les risques, renforcer leur capacité d’action, moderniser leurs services, protéger leurs habitants. Cette tribune envoie un message fort : la résilience n’est pas un concept abstrait mais une nécessité concrète pour assurer la continuité de la vie quotidienne, quel que soit le contexte. Pour les décideurs locaux, élus et agents, il ne s’agit plus de « gérer l’urgence » mais de « préparer l’imprévisible ». Les municipales 2026 seront l’occasion d’inscrire ce thème dans les programmes, de mobiliser les moyens et d’engager les collectivités sur la voie d’une résilience locale et durable.