Lancés en pleine crise du Covid-19, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) devaient redonner souffle aux territoires. Conçus pour unir les forces de l’État et des collectivités autour de projets durables, ils incarnaient la promesse d’une relance économique verte. Cinq ans plus tard, alors que les mandats des élus signataires s’achèvent, le constat est plus nuancé. Trop ambitieux, trop complexes, parfois mal compris, ces contrats peinent à tenir toutes leurs promesses. Pourtant, leur logique territoriale et partenariale reste un outil précieux pour l’avenir des politiques locales de transition.

Une genèse dans l’urgence sanitaire et économique

Transition Écologique durable
Un outil pour lutter contre le changement climatique

À l’automne 2020, la France cherche à se relever du choc de la pandémie. L’économie tourne au ralenti, les collectivités sont fragilisées et les services publics peinent à se réorganiser. Pour accélérer la relance, l’État crée un nouvel instrument contractuel : le contrat de relance et de transition écologique, destiné à simplifier la mise en œuvre du plan France Relance.

Le principe est simple : chaque intercommunalité signe avec l’État un document unique regroupant ses projets de développement économique, social et environnemental. Le but est de fluidifier les financements, d’éviter la multiplication des appels à projets et d’assurer une cohérence entre les politiques locales et nationales.

Ce dispositif s’appuie sur une philosophie claire : relocaliser les politiques publiques, rapprocher l’État des territoires et donner plus de visibilité aux élus. En parallèle, il doit répondre à une exigence européenne : la Commission européenne avait conditionné une partie des 100 milliards d’euros de prêts accordés à la France à un investissement significatif dans la transition écologique.

Un dispositif ambitieux mais rapidement confronté à la réalité

Sur le papier, le concept séduit. Les CRTE promettent de rassembler autour d’un même cadre les différents leviers de financement, notamment ceux issus du plan de relance, des contrats de ruralité, des programmes Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain ou Territoires d’industrie.

Mais dès leur déploiement, les obstacles apparaissent. Les délais sont courts, les instructions nombreuses, les interlocuteurs multiples. Les élus locaux doivent rédiger en urgence des documents de planification stratégiques, souvent sans ingénierie suffisante. Les services de l’État, eux, manquent de moyens humains pour accompagner toutes les collectivités signataires.

Résultat : la mise en œuvre des CRTE s’effectue à des rythmes très inégaux selon les territoires. Certaines intercommunalités ont su en faire un levier structurant, d’autres ont peiné à dépasser le simple affichage politique.

Des objectifs écologiques difficiles à mesurer

Les CRTE avaient pour vocation d’intégrer pleinement les enjeux environnementaux dans les projets locaux : rénovation énergétique des bâtiments publics, développement des mobilités douces, soutien à l’économie circulaire, protection des ressources naturelles, adaptation au changement climatique.

Cinq ans plus tard, le bilan écologique est contrasté. De nombreux projets ont effectivement vu le jour — pistes cyclables, chaufferies biomasse, réseaux de chaleur, plans alimentaires territoriaux — mais les résultats globaux restent difficiles à quantifier.

La faiblesse des indicateurs de suivi, la diversité des situations locales et le manque de reporting homogène rendent l’évaluation complexe. Le caractère volontaire et non contraignant du dispositif a aussi limité son impact. Sans obligation de résultat, chaque territoire a interprété la “transition écologique” selon ses priorités et ses moyens.

Des financements dispersés et peu lisibles

Autre écueil : la question du financement. Les CRTE ne sont pas dotés d’une enveloppe propre. Ils servent de cadre pour mobiliser différents fonds — plan France Relance, dotations de l’État, crédits européens, subventions régionales. Cette architecture souple devait favoriser la réactivité. Elle a parfois généré l’effet inverse : des retards de versement et une complexité administrative supplémentaire.

Beaucoup de collectivités ont déploré l’absence de budget dédié, estimant que l’État avait davantage rebaptisé des crédits existants qu’injecté de nouveaux moyens. Les préfets, chargés de piloter les CRTE, ont dû arbitrer entre des priorités locales souvent contradictoires et des marges de manœuvre financières limitées.

Dans les territoires ruraux ou de montagne, les élus ont parfois ressenti un sentiment d’inégalité : les métropoles, mieux dotées en ingénierie, ont su mobiliser plus rapidement les fonds.

Une gouvernance locale perfectible

Le CRTE devait être un contrat “co-construit”. Dans la pratique, la collaboration entre l’État, les intercommunalités, les départements et les régions a parfois manqué de fluidité. Le partage des compétences et la superposition d’autres dispositifs (contrats de plan, conventions avec les agences de l’eau, programmes européens) ont brouillé la lisibilité du mécanisme.

Certaines préfectures ont néanmoins réussi à instaurer un dialogue territorial constructif, en réunissant régulièrement les acteurs concernés. D’autres ont laissé les collectivités avancer seules, transformant le contrat en simple compilation de projets déjà existants.

La Cour des comptes, dans plusieurs rapports régionaux, a souligné cette disparité d’approche, pointant le risque d’un outil à deux vitesses : innovant dans les territoires structurés, symbolique ailleurs.

Des réussites locales malgré tout

Malgré ces limites, les CRTE ont permis de faire émerger des initiatives exemplaires. Dans certaines intercommunalités, ils ont fédéré les acteurs autour de projets concrets : création de zones d’activités bas carbone, rénovation énergétique de logements sociaux, modernisation de réseaux de transport en commun, soutien aux circuits courts.

Des territoires ruraux ont profité du dispositif pour revitaliser leurs centres-bourgs ou développer des projets de tourisme durable. Des collectivités littorales ont investi dans la protection contre l’érosion côtière, tandis que des communes de montagne ont mis en œuvre des programmes d’efficacité énergétique dans les équipements publics.

Ces réussites démontrent que l’outil peut fonctionner lorsqu’il est adossé à une gouvernance claire et à un accompagnement technique solide.

Un dispositif en attente d’un nouveau souffle

À mesure que les mandats locaux approchent de leur terme, la question se pose : les CRTE seront-ils reconduits, réformés ou remplacés ? L’État réfléchit déjà à un nouvel instrument contractuel plus ciblé, centré sur la planification écologique territoriale, qui devrait s’appuyer sur les enseignements de ces cinq années d’expérimentation.

La logique de contractualisation territoriale, elle, semble appelée à perdurer. Les élus locaux restent attachés à un cadre qui leur permet d’adapter les politiques nationales à leurs réalités locales. Mais beaucoup demandent plus de clarté dans la répartition des moyens, des indicateurs de suivi plus précis et une simplification des procédures.

Un bilan mitigé mais porteur d’enseignements

Le principal mérite des CRTE aura été de replacer la transition écologique au cœur du dialogue entre l’État et les territoires. En unifiant les démarches et en favorisant la concertation, ils ont renforcé la culture du projet local.

Cependant, l’absence de moyens financiers autonomes, la faiblesse du suivi et la superposition de dispositifs ont limité leur portée. Leur efficacité dépend largement de la volonté politique des élus et de la capacité d’ingénierie dont dispose chaque collectivité.

Les prochaines années diront si le gouvernement transforme cette expérience en un outil plus robuste et plus lisible. En période de crise climatique et de tensions budgétaires, les collectivités locales demeurent des acteurs incontournables de la transition. Les CRTE ont ouvert une voie qu’il serait risqué d’abandonner, mais qu’il faudra repenser pour qu’elle devienne réellement structurante.

Les contrats de relance et de transition écologique auront au moins permis une chose : démontrer que la réussite de la transition passe avant tout par les territoires, leurs élus et leur capacité à inventer des solutions concrètes, ancrées dans le quotidien.