Face à un manque criant de personnel, un Ehpad à Lormont, en Gironde, vit une crise qui met en danger la qualité des soins aux personnes âgées. Depuis mardi, les soignants ont engagé une grève perlée pour alerter sur des conditions de travail dégradées qui impactent la santé et la dignité des résidents. Cette grève souligne une réalité inquiétante dans certains établissements, où la maltraitance institutionnelle apparaît à cause d’effectifs insuffisants.
Sous-effectif et souffrance des résidents : une situation alarmante
Dans cet Ehpad dépendant du CHU de Bordeaux, la capacité d’accueil maximale est de 120 résidents. Actuellement, 97 personnes âgées y vivent, mais elles ne bénéficient pas du personnel nécessaire pour assurer leur bien-être. Les aides-soignantes dénoncent un sous-effectif sévère qui les empêche de réaliser les soins de base au quotidien. Par exemple, certains résidents ne sont douchés que tous les deux à trois mois, au lieu d’un entretien régulier indispensable pour leur santé.
Ce manque de moyens provoque ce que les soignants qualifient de « maltraitance institutionnelle ». Fatigués et débordés, ils n’ont plus le temps d’assurer des soins essentiels tels que le lavage complet du corps, les soins de bouche ou le changement régulier des pansements. Cette situation fragilise physiquement et psychologiquement les personnes âgées, souvent déjà vulnérables.
Des agents hospitaliers en surcharge et des risques pour la sécurité
Afin de pallier l’absence d’aides-soignants, les agents de service hospitalier (ASH) sont parfois contraints de réaliser des tâches qui ne relèvent pas de leurs compétences, comme la distribution des médicaments ou des soins spécifiques. Cette organisation improvise crée un fort risque d’erreurs médicales. Par exemple, certains changements de pansements sont remis au lendemain, ce qui augmente les risques d’infection.
Les chambres et couloirs ne sont pas nettoyés correctement. Le personnel en poste doit également manipuler seul des patients grabataires qui nécessitent habituellement l’aide d’au moins deux soignants, ce qui augmente leur risque de chutes et blessures. L’ensemble de ces conditions dégradées pousse le personnel dans une grande souffrance professionnelle et morale.
L’appel à la reconnaissance et à des moyens pour les soignants
Le personnel de cet Ehpad a fait part de sa détresse dans une lettre adressée à la direction. Il dénonce un mode de fonctionnement d’urgence permanent, des heures supplémentaires imposées sur les jours de repos, et une surcharge de travail responsable d’erreurs potentielles graves. Malgré l’épuisement physique, une forte solidarité existe entre les membres de l’équipe pour continuer à assurer les soins malgré tout.
Selon eux, les résidents les plus autonomes sont obligés de se débrouiller seuls, car les soignants ne peuvent pas toujours intervenir à temps. Ce constat accentue le sentiment d’abandon des personnes âgées et alerte sur le besoin urgent de renforcer les effectifs et améliorer les conditions de travail. La fatigue physique et psychologique du personnel touche aussi la qualité globale de l’accompagnement.
Une direction consciente mais aux moyens limités
La direction du CHU de Bordeaux a reconnu la gravité de la situation. Pour limiter la pression, elle a décidé de suspendre temporairement les admissions dans cet Ehpad. Un recrutement d’urgence est annoncé afin de combler les 12 postes vacants et pallier un absentéisme important. Cependant, la direction affirme que les 70 soignants actuellement présents correspondent à un effectif standard pour ce type de structure.
Elle propose également d’accompagner les agents pour valider leurs acquis professionnels et encourage les départs en formation pour améliorer les compétences de l’équipe. Pourtant, ces mesures ne suffisent pas à résoudre l’urgence vécue au quotidien sur le terrain. La crise sanitaire et sociale dans les Ehpad continue de révéler une réalité difficile à gérer pour le personnel et les résidents.
La nécessité d’une action rapide pour préserver les Ehpad
La grève perlée engagée dans l’Ehpad de Lormont met en lumière un problème structurel qui affecte de nombreux établissements en France. Le sous-effectif créé un cercle vicieux : moindre qualité des soins, souffrance des résidents, épuisement des soignants, et risques accrus d’accidents ou de maltraitance involontaire. Sans un engagement fort des pouvoirs publics pour renforcer les équipes et améliorer les conditions, ces établissements risquent de perdre toute capacité d’accueil digne et sécurisée.
Il est urgent d’agir pour garantir un environnement adapté aux besoins des personnes âgées. Cela passe par une revalorisation des métiers du soin, des recrutements suffisants, un meilleur appui aux équipes et un suivi rigoureux des pratiques. Les résidents doivent retrouver une prise en charge respectueuse et complète afin que leur dignité soit préservée. Les soignants doivent pouvoir travailler dans de bonnes conditions, avec les moyens nécessaires pour offrir un accompagnement humain et professionnel de qualité.