L’égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique revient au premier plan. À l’occasion de la préparation du prochain accord pour l’égalité professionnelle, qui doit être conclu au premier trimestre 2026, le gouvernement a dévoilé une série d’axes de négociation ambitieux. Le ministre chargé de la Fonction publique souhaite notamment revoir les droits à la retraite des mères et les conditions de congé maladie pour les agentes enceintes, deux sujets symboliques d’une inégalité persistante entre les sexes au sein de l’administration.
Présenté le 6 novembre au Conseil commun de la fonction publique (CCFP), le projet d’accord de méthode trace les grandes lignes des discussions à venir. Il s’inscrit dans une stratégie globale de modernisation du statut public, avec pour objectif de corriger les écarts structurels de carrière, de rémunération et de conditions de travail entre femmes et hommes.

Un nouvel accord pour prolonger les engagements de 2018
Le précédent accord, signé en 2018, avait marqué une étape décisive : obligation de plans d’action égalité dans chaque administration, création d’un réseau de référents égalité, et lutte renforcée contre les violences sexistes et sexuelles. Sept ans plus tard, l’État estime que le cadre doit être renouvelé et renforcé.
Les constats sont connus : les femmes représentent près de 62 % des effectifs de la fonction publique, mais elles restent sous-représentées dans les postes à responsabilité, et subissent encore des écarts de rémunération moyens de 13 % à grade équivalent. Les interruptions de carrière liées à la maternité, les temps partiels et les affectations contraintes continuent de freiner leurs parcours professionnels.
Le gouvernement veut donc aller plus loin, en adaptant les dispositifs existants et en créant de nouveaux droits spécifiques.
Des avancées ciblées sur la maternité et la santé au travail
Parmi les sujets prioritaires figure la retraite des mères de famille. Le ministère étudie la possibilité de mieux comptabiliser les périodes de congé maternité et parentalité dans le calcul des droits à pension. Actuellement, ces périodes peuvent entraîner une décote ou une stagnation dans la progression de carrière, surtout pour les agentes contractuelles ou les cadres intermédiaires.
Le projet de réforme vise à neutraliser ces effets de carrière interrompue en garantissant une continuité de droits. Les mesures pourraient inclure une validation automatique des trimestres liés aux congés parentaux et une revalorisation des pensions pour les mères ayant eu plusieurs enfants.
Autre axe fort : la prise en compte des congés de maladie liés à la grossesse. Aujourd’hui, les arrêts pour pathologies de grossesse sont assimilés à des congés maladie ordinaires, avec un impact sur les primes et la progression de carrière. Le gouvernement envisage de les distinguer, en créant un statut protecteur spécifique, sans perte de rémunération ni incidence sur les droits à avancement.
Cette évolution serait un signal fort en faveur d’une meilleure reconnaissance de la maternité dans la vie professionnelle des agentes publiques.
Une gouvernance renforcée de l’égalité dans la fonction publique
Le futur accord prévoit aussi de renforcer la gouvernance de l’égalité professionnelle. Chaque administration devra publier un bilan annuel sur les écarts de rémunération, les promotions, les nominations et les actions menées en faveur de la parité.
Un comité interministériel de suivi, présidé par le ministre de la Fonction publique, sera chargé de coordonner les politiques d’égalité dans les trois versants (État, hospitalier, territorial). L’objectif est d’assurer une cohérence nationale tout en laissant aux employeurs publics locaux la liberté d’adapter les mesures à leurs spécificités.
Les administrations seront incitées à former leurs cadres dirigeants aux questions de genre, de mixité et de gestion inclusive des ressources humaines. Le gouvernement souhaite généraliser les plans d’action triennaux d’égalité et en renforcer le contrôle.
Favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle
Le projet d’accord consacre également un volet important à l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale. Les mesures à l’étude incluent :
- un droit élargi au télétravail pour les parents de jeunes enfants,
- la généralisation des autorisations spéciales d’absence en cas d’urgence familiale,
- et la création de congés parentaux plus flexibles, fractionnables ou à temps partiel, sans perte de rémunération excessive.
L’objectif est de permettre aux femmes de ne plus être contraintes de choisir entre carrière et maternité. Le gouvernement envisage aussi de mieux partager les droits entre les deux parents, pour encourager les pères à prendre une part plus équitable dans les congés familiaux.
Égalité salariale : un objectif encore lointain
La parité salariale reste un défi majeur. Le gouvernement s’engage à supprimer les écarts de rémunération à poste et grade équivalents d’ici 2030. Pour y parvenir, le projet prévoit la création d’un indice national de l’égalité salariale dans la fonction publique, inspiré du modèle appliqué dans le secteur privé.
Les employeurs publics devront publier leurs données chaque année et justifier les écarts constatés. Des mécanismes correctifs seront imposés si des inégalités persistantes sont relevées.
Les dispositifs d’évaluation et de promotion seront également revus pour limiter les biais de genre. Des expérimentations de “recrutements anonymisés” et de formations sur les stéréotypes seront menées dans plusieurs ministères.
Lutte contre les violences sexistes et les discriminations
Autre priorité : la prévention des violences sexuelles, du harcèlement et des comportements sexistes au travail. Le futur accord renforce l’obligation pour chaque administration de désigner un référent égalité et lutte contre les violences.
Les procédures de signalement seront simplifiées, avec la création d’un guichet unique de signalement et d’un accompagnement psychologique systématique pour les victimes. Des campagnes de sensibilisation seront organisées chaque année pour rappeler les obligations des encadrants et les sanctions encourues.
Le texte prévoit également d’intégrer la prise en compte des violences intra-familiales dans la gestion des carrières, avec la possibilité d’un aménagement de poste, d’un télétravail prioritaire ou d’une mobilité facilitée pour les agentes concernées.
Santé et conditions de travail : un enjeu transversal
Les discussions porteront aussi sur la santé et le bien-être au travail, avec une attention particulière portée aux enjeux de santé spécifiques aux femmes. Le gouvernement souhaite améliorer la prévention des risques liés à certaines fonctions physiques, à la charge mentale et à la pénibilité, notamment dans la fonction publique hospitalière.
Des actions de dépistage et de sensibilisation seront renforcées, tandis que le suivi médical des agentes enceintes ou de retour de congé maternité fera l’objet d’une évaluation systématique.
Le projet aborde également la question du handicap féminin, souvent négligé, en prévoyant une meilleure adaptation des postes et des parcours professionnels.
Une négociation à fort enjeu politique et social
Ce nouvel accord sur l’égalité professionnelle, dont la signature est prévue pour le premier trimestre 2026, sera l’un des marqueurs du quinquennat sur la modernisation de la fonction publique. Il intervient dans un contexte de tensions sur le pouvoir d’achat et de revendications syndicales fortes autour des carrières féminines.
Les syndicats saluent la volonté de rouvrir le chantier, mais réclament des engagements financiers concrets. Ils demandent notamment la création d’un fonds dédié à l’égalité, pour financer la revalorisation des grilles indiciaires dans les métiers féminisés et compenser les interruptions de carrière liées à la maternité.
Vers une fonction publique plus exemplaire
En plaçant la retraite des mères et la santé des agentes enceintes au cœur de la négociation, le gouvernement veut faire de la fonction publique un modèle en matière d’égalité professionnelle. L’enjeu dépasse la question salariale : il s’agit de transformer en profondeur la culture administrative, en reconnaissant pleinement la diversité des parcours et des situations.
Si ces mesures sont adoptées, elles pourraient inspirer de nouvelles pratiques dans le secteur privé et contribuer à réduire les inégalités structurelles qui persistent dans l’ensemble du monde du travail.
L’année 2026 s’annonce donc comme un tournant : celui d’une fonction publique plus juste, plus protectrice et plus attentive à l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.


