La Cour des comptes alerte, le 3 novembre 2025, sur la situation critique des finances sociales. Le déficit 2025 atteint près de 23 milliards d’euros, en forte hausse par rapport à 2024. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale subit une tension de trésorerie, tandis que la Caisse d’amortissement de la dette sociale ne peut reprendre de nouveaux déficits qu’à condition d’un retour à l’équilibre des comptes. Le risque est clair : faute d’un financement stable pour l’assurance santé, c’est l’accès aux soins, particulièrement dans les territoires fragiles, qui pourrait souffrir. Face à cela, le défi pour la période 2026-2029 s’annonce vaste : assainir les comptes sans compromettre l’offre de santé.


Où en est-on en 2025 : déficit aggravé, ONDAM sous surveillance

La Cour des comptes publie un bilan alarmant : pour 2025, le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse est estimé à 23 milliards d’euros, soit +7,7 milliards par rapport à 2024.

« Le déficit s’est fortement dégradé en 2025 et il aura doublé en deux ans ».

Un déficit général dans toutes les branches

La branche maladie affiche un déficit d’environ 17,2 milliards d’euros en 2025. La vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse atteignent environ 5,8 milliards. Seule la branche famille reste légèrement excédentaire.
La raison : un écart structurel entre la dynamique des dépenses (+3,6 %) et celle des recettes (+2,5 %).

L’ONDAM et la tension sur les dépenses de santé

L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2025 reste au niveau voté, mais sous pression : le Comité d’alerte avait signalé un risque de dépassement d’environ 1,3 milliard d’euros.
Le gouvernement a donc mis en réserve 1,1 milliard pour tenter d’enrayer le glissement.
Les soins de ville et les indemnités journalières constituent des « points de fuite » majeurs.

Effets sur les établissements et la médecine de ville

Les hôpitaux publics ont enregistré un déficit estimé entre –2,7 et –2,9 milliards d’euros en 2024.
La médecine de ville subit un gel des revalorisations et une régulation accrue.
Le contexte met en tension l’offre de soins et la capacité d’investissement des acteurs locaux.


Le projet pour 2026 : un redressement fragile au cœur de l’équation

Objectifs du Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2026

Le projet pour 2026 affiche un possible redressement : sans mesures correctives, le déficit « tendanciel » pourrait atteindre 28,7 milliards d’euros.
Le texte prévoit un effort de 11 milliards d’euros, dont :

  • 9 milliards d’économies en dépenses,
  • 2 milliards de recettes nouvelles nettes.

Les principales mesures ciblées : gel des pensions et prestations (2,5 milliards), doublement des franchises et participations (2,3 milliards), baisses de prix et usages des produits de santé (2,3 milliards).

Des hypothèses économiques sous tension

Les hypothèses macro-économiques sont jugées « volontaristes » : une croissance prévue à 1,0 % en 2026.
Si la croissance ne suit pas ou si l’exécution des économies patine, le redressement sera compromis.

Impacts attendus sur le terrain

  • Établissements de santé : contrainte budgétaire renforcée et marges réduites.
  • Médecine de ville : pression sur les honoraires et attractivité en baisse.
  • Industrie de santé : réduction des prix, adaptation au numérique et à la télémédecine.

L’effort demandé est double : économiser et préserver l’accès aux soins.


Trajectoire 2026-2029 : plus de 100 milliards d’euros de dette sociale

Une dette sociale qui se reconstitue

À l’horizon 2029, sans mesures supplémentaires, les déficits resteront en moyenne autour de 17 milliards par an et la dette sociale dépasserait 100 milliards d’euros.
La structure actuelle de financement de la sécurité sociale serait mise à mal.

Tensions de trésorerie de l’ACOSS

L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale gère la trésorerie courante.
Si les déficits persistent, elle devra emprunter de plus en plus.
Les projections montrent un besoin de financement maximal avoisinant 100 milliards d’euros en 2027 et 135 milliards en 2029.
Ce niveau pose un risque sérieux de liquidité : les marchés court terme ne sont pas extensibles à l’infini.

CADES et reprise de dette sociale

La Caisse d’amortissement de la dette sociale a achevé fin 2024 la reprise des dettes antérieures.
Pour reprendre de nouveaux déficits, il faut une trajectoire crédible de retour à l’équilibre.
Sans cela, soit la CADES est prolongée au-delà de 2033, soit la dette sociale pèse directement sur l’ACOSS.

Risque de désertification médicale

Dans ce contexte financier tendu, deux phénomènes se renforcent mutuellement :

  • Une pression accrue sur les budgets hospitaliers et de ville,
  • Une baisse de l’attractivité de l’exercice médical dans les zones fragiles.

Ce cercle vicieux risque d’aggraver la désertification médicale, avec des délais d’accès plus longs et des renoncements aux soins.


Financer la santé ou désertifier : pourquoi l’équation se pose maintenant

Le financement de la santé sous contrainte

Le système de santé français repose sur deux principes : l’accès universel et la maîtrise des dépenses.
Mais aujourd’hui, les recettes progressent moins vite que les besoins.
La faible croissance, la composition des emplois et les allègements de cotisations pèsent lourd.
En parallèle, les dépenses augmentent avec le vieillissement, les innovations médicales et le numérique.
L’écart entre besoins et financements se creuse chaque année.

Le développement de la désertification médicale

Quand les budgets sont serrés, les hôpitaux retardent les investissements et les remplacements.
Les médecins libéraux sont moins incités à s’installer dans les zones reculées.
Résultat :

  • Diminution de l’offre dans certains territoires,
  • Délais de rendez-vous qui s’allongent,
  • Renoncements aux soins plus nombreux.

Ce phénomène n’est plus seulement économique : il devient une question de cohésion territoriale.

Le lien entre sous-financement et désertification

Un système sous-financé = moins d’investissement = moins d’attractivité = moins d’offre = plus de renoncements.
Les patients non soignés à temps finissent souvent à l’hôpital, où la prise en charge coûte davantage.
Le sous-financement alimente donc la désertification, qui renchérit à son tour les dépenses publiques.
Financer la santé ou accepter la désertification : le choix est désormais inévitable.


Solutions et leviers pour sortir de l’impasse

Mettre en place une trajectoire pluriannuelle crédible

La condition essentielle est une vision à moyen terme claire et transparente.
Un gisement d’économies d’environ 20 milliards d’euros pourrait être atteint sans dégrader la qualité des soins.
Cela passe par :

  • Une meilleure régulation des parcours de soins,
  • La réduction des gaspillages,
  • La maîtrise des prix des produits de santé.

Consolider les ressources

Il faut aussi stabiliser les recettes.
Plusieurs pistes :

  • Réexaminer les allègements de cotisations,
  • Clarifier la part de TVA affectée à la sécurité sociale,
  • Explorer de nouvelles formes de financement (télé-soins, partenariats publics-privés).

Préserver l’offre de soins dans les territoires

Pour éviter la désertification :

  • Mieux inciter les professionnels à s’installer en zones isolées,
  • Garantir des budgets stables aux hôpitaux et centres ruraux,
  • Renforcer l’accès aux soins primaires.

Prioriser l’investissement numérique et la coordination

Le virage numérique peut améliorer l’efficacité des soins s’il est piloté avec rigueur.
Le dossier médical partagé, la télémédecine et la coordination ville-hôpital doivent devenir des outils d’égalité territoriale.

Un pilotage renforcé et une gouvernance claire

Le suivi de l’ONDAM, des budgets hospitaliers et de la médecine de ville doit être renforcé.
Il faut des indicateurs précis, un contrôle régulier et une communication transparente.


Les effets à surveiller

Sur les établissements de santé

  • Marges budgétaires réduites et investissements compromis.
  • Risques de restructurations ou de fermetures.
  • Moins de capacités d’accueil et plus de ruptures de soins.

Sur les professionnels de santé

  • Honoraires sous pression et revalorisations différées.
  • Baisse de l’attractivité dans les zones rurales.
  • Départs à la retraite non remplacés.

Sur les patients

  • Délais de rendez-vous allongés.
  • Renoncements aux soins plus fréquents.
  • Inégalités territoriales accrues.

Sur les finances publiques

  • Prises en charge hospitalières plus coûteuses.
  • Dette sociale en hausse.
  • Poids croissant sur les générations futures.

Un choix de société à faire dès maintenant

La situation est désormais critique. Le déficit de 23 milliards en 2025 confirme que l’écart entre besoins de santé et moyens alloués s’élargit.
La trajectoire prévue pour 2026-2029 montre des intentions positives mais reste fragile.
Le message est clair : soit la France s’engage dès maintenant dans une stratégie crédible de redressement et d’accès équitable aux soins, soit elle s’expose à un double échec : finances en berne et désertification médicale accrue.

L’équation « financer la santé ou désertifier » ne tolère plus les demi-mesures.
Les décisions prises entre 2026 et 2029 façonneront l’avenir du système de santé français.
Redresser les comptes, stabiliser les recettes, préserver les soins et garantir la solidarité territoriale : tels sont les piliers d’un modèle durable.
Le temps des ajustements comptables est terminé. Celui des choix courageux commence.