La montée en puissance des locations de courte durée transforme profondément l’équilibre des marchés locaux du logement. Dans de nombreux territoires, les élus constatent une diminution progressive du parc disponible pour les habitants, une inflation des loyers longue durée et, parfois, des tensions fortes avec le voisinage des logements concernés. Pour répondre à ces enjeux, les collectivités disposent désormais d’un ensemble d’outils juridiques qui leur permettent de mieux identifier les meublés de tourisme, d’exiger des propriétaires certaines formalités et de sanctionner les manquements. Encore faut-il comprendre précisément ce que recouvre la notion de meublé de tourisme et connaître les leviers réellement mobilisables à l’échelle communale.

Définir juridiquement les meublés de tourisme

Crise du logement

Le point de départ de toute régulation réside dans la qualification juridique du logement. Le code du tourisme, à l’article L.324-1-1, définit les meublés de tourisme comme des villas, appartements ou studios meublés proposés à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y séjourne pour une durée courte, à la journée, à la semaine ou au mois. Le critère déterminant n’est pas la taille du logement, ni son statut dans le parc immobilier, mais la brièveté de l’occupation et l’usage exclusif accordé au locataire pendant la durée du séjour. À l’inverse, les chambres chez l’habitant reposent sur une cohabitation avec l’occupant permanent et relèvent d’un régime différent, tout comme les gîtes ou les chambres d’hôtes, qui disposent de règles spécifiques.

Cette distinction n’est pas qu’une subtilité juridique. Elle conditionne les obligations du propriétaire, la capacité de la collectivité à exiger une déclaration préalable et, le cas échéant, l’application du régime de changement d’usage. Une mauvaise qualification rend impossible toute sanction ultérieure. C’est pourquoi les communes doivent d’abord s’assurer que les propriétaires identifient clairement la nature de leur activité, qu’il s’agisse de la location occasionnelle d’une résidence principale ou de l’exploitation intensive d’un parc de logements destinés exclusivement à la clientèle touristique.

Déclaration préalable : le premier levier d’action communale

Dans les communes situées en zone tendue ou ayant instauré le régime ad hoc, la mise en location d’un meublé de tourisme doit faire l’objet d’une déclaration préalable en mairie. Cette formalité permet à la collectivité de recenser les logements concernés, de suivre l’évolution du phénomène et de disposer d’une base de contrôle fiable. La déclaration prend la forme d’un numéro d’enregistrement, que la plateforme ou le propriétaire doit faire figurer dans ses annonces. Ce numéro n’a rien d’anecdotique : il permet d’identifier le logement, de vérifier le respect des limites légales, notamment les cent vingt jours annuels pour les résidences principales, et de détecter les situations de multi-logements.

Pour être efficace, ce dispositif suppose que la commune réalise un travail régulier de vérification et de rapprochement entre les annonces publiées et les autorisations délivrées. Plusieurs villes ont ainsi mis en place des équipes dédiées ou des outils numériques permettant de surveiller automatiquement les plateformes. Il s’agit d’un préalable indispensable avant d’envisager des mesures plus contraignantes.

Changement d’usage : préserver le parc de logements

Le code de la construction et de l’habitation impose une autorisation de changement d’usage lorsqu’un logement est retiré durablement du marché résidentiel au profit d’une activité de location touristique. Ce régime, instauré pour lutter contre la raréfaction des locations longue durée, est particulièrement utilisé dans les zones où la pression immobilière est forte. Une commune peut ainsi décider que tout logement mis en location de manière répétée et commerciale doit obtenir une autorisation, éventuellement assortie d’une compensation. Cette compensation prend souvent la forme de la transformation d’un autre local commercial en logement, afin de maintenir l’équilibre du parc résidentiel.

L’autorisation peut être temporaire ou permanente, et la collectivité a la possibilité d’adapter le régime selon les quartiers, les tensions constatées ou les objectifs de politique locale de l’habitat. Ce levier est l’un des plus puissants à disposition des élus, car il permet de freiner la transformation massive de logements classiques en meublés touristiques. Il nécessite toutefois une doctrine claire, une délibération solide et un suivi administratif rigoureux.

Contrôles et sanctions : l’indispensable capacité d’intervention

Aucune réglementation ne peut produire d’effet si la collectivité ne s’autorise pas à contrôler les logements concernés. Cela implique d’identifier les annonces dépourvues de numéro d’enregistrement, de vérifier les dépassements de durée autorisée ou d’examiner les cas dans lesquels un logement loué est en réalité utilisé comme meublé à temps plein. Les textes prévoient des sanctions administratives significatives, notamment des amendes pouvant atteindre des montants élevés en cas de non-respect du changement d’usage ou d’absence de déclaration.

Pour que ces sanctions soient applicables, la commune doit constituer des dossiers solides, accumuler les preuves nécessaires et notifier correctement les infractions. Certaines villes ont renforcé leurs services juridiques ou mutualisé leurs moyens au niveau intercommunal afin de donner de la cohérence à l’action publique. D’autres ont signé des conventions avec les plateformes pour faciliter l’identification des logements non déclarés. L’efficacité repose donc sur une stratégie globale combinant doctrine juridique, outils numériques et capacité à mener des contrôles réguliers.

Un enjeu d’équilibre urbain et de cohésion locale

L’encadrement des meublés de tourisme ne constitue pas une hostilité envers l’activité touristique, qui représente un moteur économique pour nombre de territoires. Il s’agit plutôt de rétablir un équilibre entre attractivité et qualité de vie, entre dynamisme commercial et maintien des habitants permanents. Une régulation bien conçue permet de soutenir une offre touristique diversifiée sans sacrifier le logement des résidents, de préserver les centres-villes de la mono-activité et de limiter les tensions de voisinage liées aux séjours de très courte durée.

Pour les élus locaux, la question dépasse désormais le seul champ réglementaire. Elle touche à l’identité même des territoires, à leur capacité d’accueil, à leur modèle d’habitat et au type de développement souhaité pour les années à venir. Encadrer les meublés de tourisme, c’est donc agir pour garantir un usage équilibré du sol, préserver la mixité sociale et permettre aux habitants de continuer à vivre dans leur commune.