Dégradation des finances locales. Vendredi dernier, le gouvernement a publié le « décret d’avance » dans lequel il donnait la liste des redistributions de crédits qui auront lieu cette année (lire Maire info du 21 juillet). Pour assurer certaines dépenses jugées urgentes, à hauteur de 5 milliards d’euros, le gouvernement a en effet choisi de retirer la même somme sur des dépenses actées en loi de finances.
Parmi ces crédits, 216 millions d’euros ont été pris sur la mission « relations avec les collectivités territoriales ». Principales victimes : la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux), la dotation de soutien à l’investissement local et la dotation politique de la ville.
Les conséquences ont été immédiates : dans plusieurs départements, les préfets ont fait savoir aux maires que des projets d’investissements cofinancés par la DETR étaient bloqués. Dominique Peduzzi, maire de Fresse-sur-Moselle et président de l’Association départementale des maires des Vosges, en témoigne : « Depuis lundi, le préfet nous dit qu’il ne peut plus signer d’arrêté d’attribution », explique-t-il ce matin à  Maire info. « Il nous explique qu’il attend les arbitrages de Paris et, qu’en attendant, tout est bloqué. »
Il s’agit, précise Dominique Peduzzi, de projets préparés de longue date par les maires, sur lesquels des dépenses ont été engagées – pour des études, des diagnostics – voire sur lesquels les maîtres d’oeuvre ont déjà été choisis. « Des dossiers sur lesquels nous avons mis en place des plans de financement… sans savoir que l’État allait revoir sa position et diminuer sa contribution, ce qui aurait pu modifier la position des autres co-financeurs. »
Aujourd’hui, c’est donc une totale « incertitude » qui règne : « Tout ce que nous savons, c’est qu’il n’y aura pas les crédits attendus. Au final, en fonction des décisions prises à Paris, les préfets auront à arbitrer entre les différents projets. Des projets vont être à revoir, certains risquent même d’être remis en cause. »
Une décision qui passe très mal auprès des maires, rapporte l’élu vosgien : « On nous a vendu le soutien à l’investissement comme une contrepartie de la baisse de la DGF. Et voilà que maintenant, on s’attaque aussi aux dotations de soutien à l’investissement ! ».
Cette annonce – totalement inattendue – stupéfie également André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF et président du Comité des finances locales, et Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF. Pour ce dernier, « il y a une contradiction totale entre les paroles et les actes. À la Conférence des territoires, on nous parle « confiance », « pacte », « partenariat »…
Et voilà qu’on nous annonce plus de 200 millions en moins sur les dotations aux investissements ! Qu’est-ce que cela signifie ? Que la réduction des déficits a pris le pas sur toute autre considération ? » Pour le maire de Sceaux, cette décision est « dramatique » : « Cela veut dire que les maires s’attendaient à ce que des projets démarrent rapidement et qu’il ne démarreront pas. »
André Laignel, lui non plus, ne décolère pas : « Cette décision montre que l’on met à nouveau à contribution les communes et les intercommunalités alors qu’elles ont fait ces dernières années d’énormes efforts. » Le président du CFL est particulièrement choqué par l’argumentation du ministère  qui expliquait vendredi que cette coupe claire était rendue possible par « l’anticipation d’une moindre consommation » de ces dotations. « Je m’inscris totalement en faux, fulmine André Laignel, ce prétexte est fallacieux.
On nous dit que ces crédits sont non utilisés alors que, dans de nombreux départements, il n’a pas été possible d’honorer toutes les demandes présentées par les élus locaux ! » Dénonçant lui aussi « un mauvais coup porté à l’investissement », André Laignel estime qu’il « serait temps que le gouvernement considère les communes comme un levier plutôt que comme une charge ».
Plus généralement, cette décision lui laisse un sentiment amer, quelques jours après la Conférence nationale des territoires (CNT) lors de laquelle, rappelle-t-il, « à aucun moment n’a été évoquée cette diminution importante de nos moyens ». « Une fois de plus, nous sommes mis devant le fait accompli. Si l’on voulait nous donner le sentiment que ce lieu de dialogue qu’est censé être la CNT n’est en fait qu’un lieu de bavardages, on ne s’y serait pas pris autrement. »
L’AMF annonce ce matin, via sa lettre AMF info, qu’elle a « lancé une enquête auprès des associations départementales de maires » pour recenser les difficultés rencontrées, et qu’elle « va saisir dans les tous prochains jours le gouvernement pour obtenir des clarifications et des garanties quant au financement de ces dotations indispensables à la réalisation des projets d’investissement locaux en cours ».