Une prise de parole forte à l’ouverture du Congrès des maires

Alors que s’ouvre le 107ᵉ Congrès des maires, David Lisnard interpelle une nouvelle fois l’État sur la place des élus locaux dans l’organisation du pays. Le président de l’Association des maires de France décrit une fonction de maire en pleine transformation, confrontée à une bureaucratie qui s’impose partout et qui entrave les initiatives locales. Il déplore des règles toujours plus nombreuses et des procédures qui ralentissent les projets, modifient la manière de gouverner et fragilisent les collectivités. Son message central est clair : les maires veulent agir, mais l’État doit cesser d’ajouter des contraintes et redonner de l’autonomie aux territoires. Pour lui, permettre aux maires de travailler, c’est restaurer la confiance des citoyens et l’efficacité de l’action publique.
Le Congrès des maires se déroule dans un climat particulier. Les élus sont confrontés à des crises successives, des tensions sociales, une inflation qui renchérit les chantiers publics, et des normes environnementales nombreuses à appliquer. Les attentes des habitants se renforcent. Les communes, premières destinataires des demandes quotidiennes, doivent gérer l’école, la sécurité, l’aménagement, la propreté, les mobilités et la cohésion sociale. Dans ce contexte, la question de la marge de manœuvre devient centrale. David Lisnard porte précisément cette préoccupation et insiste sur la nécessité de rééquilibrer les relations entre l’État et les communes, considérées comme la première ligne du service public.
Le mandat de maire, un lien direct avec les citoyens
Selon David Lisnard, le mandat de maire conserve une particularité rare dans la vie politique : il place l’élu au plus près des habitants. Le maire vit et travaille au cœur de sa communauté. Il partage les préoccupations quotidiennes de ses administrés et voit concrètement les effets de chaque décision. Cette proximité donne au mandat une dimension humaine qui explique l’attachement profond des Français à leurs élus locaux. S’engager comme maire, c’est incarner un territoire, porter un projet, participer au quotidien à son amélioration.
Mais cette proximité comporte aussi une charge émotionnelle et opérationnelle. Le maire doit répondre vite, s’adapter, gérer des urgences. Les habitants attendent des solutions immédiates. Chaque problème devient personnel. Cette intensité, David Lisnard la décrit comme la force mais aussi comme la fragilité du mandat. Elle exige une liberté d’action que les maires estiment perdre progressivement. Le président de l’AMF rappelle que le maire n’est pas un simple relais administratif de centralisation, mais un acteur politique à part entière, capable de piloter l’action publique locale avec responsabilité.
Quinze ans de complexification administrative
Selon David Lisnard, le mandat de maire s’est profondément transformé en quinze ans. Il décrit un empilement continu de normes, de règles et de procédures. Ce processus vient souvent de décisions nationales prises sans concertation locale et s’est intensifié au fil des réformes. Chaque domaine de compétence des communes est impacté. La construction demande des études plus longues, les travaux publics imposent davantage de contrôles, la rénovation énergétique multiplie les dossiers techniques, et la gestion scolaire se complexifie à mesure que les obligations se renforcent. Parallèlement, les responsabilités juridiques s’accroissent, plaçant les maires dans une situation plus risquée.
Pour David Lisnard, cette inflation normative se traduit par une perte d’agilité. Il rappelle un constat significatif : autrefois, on vérifiait si un projet était interdit ; aujourd’hui, on cherche s’il est autorisé. Cette inversion de logique exprime son analyse d’un système devenu défensif, où la règle prime sur l’initiative. Les élus ont le sentiment de passer davantage de temps à contourner des obstacles administratifs qu’à construire des solutions. Cette réalité participe, selon lui, au découragement de nombreux maires, dont certains choisissent de quitter la vie publique prématurément.
Un État de plus en plus centralisateur
La critique de David Lisnard porte également sur la recentralisation financière. Les communes ont perdu depuis plusieurs années une partie importante de leurs ressources propres. La suppression de la taxe d’habitation, les baisses de dotations, les contraintes liées aux dépenses publiques, les transferts de charges sans compensation, tout cela réduit leur autonomie. Les décisions viennent d’en haut, mais ce sont les maires qui doivent assumer les conséquences concrètes. Cette dépendance financière limite les capacités d’investir, pourtant essentielles pour répondre aux attentes sur la voirie, les écoles, les espaces publics et les mobilités.
Pour David Lisnard, cette recentralisation va à l’encontre de la tradition française de décentralisation, pourtant souvent citée comme une réussite. Elle empêche les élus locaux de mener leur politique territoriale avec cohérence. Quand les choix budgétaires sont dictés par l’État, les marges de manœuvre diminuent. Les maires se concentrent sur la gestion minimale au détriment de l’innovation. Il appelle donc à rétablir la liberté d’administration, fondement de la décentralisation, afin que chaque territoire puisse adapter ses décisions à ses réalités.
Le rôle majeur des maires dans la cohésion sociale
Dans un contexte marqué par les tensions sociales, l’inflation et la montée des angoisses collectives, David Lisnard insiste sur le rôle stabilisateur des maires. Ils garantissent un lien social essentiel, assurent la continuité des services publics locaux et maintiennent une proximité que l’État ne peut pas atteindre. Ils interviennent dans des domaines variés : prévention, logement, sport, culture, urbanisme, sécurité du quotidien. Ils répondent à des situations humaines parfois très difficiles. Cette présence quotidienne favorise l’apaisement et l’écoute.
La cohésion sociale repose pour beaucoup sur la solidité de ce lien local. Le maire connaît les acteurs économiques, les associations, les familles, les jeunes, les personnes isolées. Il peut prévenir certains conflits, anticiper des besoins et coordonner les réponses. Cette capacité d’action repose, selon David Lisnard, sur la connaissance du terrain et sur une confiance mutuelle entre habitants et élus. La centralisation excessive affaiblit cette dynamique. L’enjeu est donc de redonner aux maires les outils nécessaires pour agir en première ligne.
Une montée des violences qui fragilise les élus
David Lisnard n’ignore pas un aspect sombre de l’évolution du mandat : l’augmentation des violences envers les élus locaux. Les agressions verbales et physiques augmentent. Les maires deviennent des cibles dans des situations de tension sociale ou dans des conflits individuels. Cela crée un climat d’insécurité et participe au découragement de certains élus qui renoncent ou hésitent à se représenter. Le président de l’AMF alerte sur cette dérive dangereuse pour la démocratie locale. Protéger les élus devient indispensable pour garantir la continuité du service public.
Cette montée des violences renforce aussi la nécessité de simplifier l’action publique. Les maires doivent agir dans un cadre clair, lisible et efficace. Une administration compréhensible et un soutien plus appuyé de l’État peuvent limiter les tensions et contribuer à restaurer un climat plus serein. La question dépasse la simple gestion des incidents. Elle interroge la place de l’élu dans la société et la valeur que la collectivité accorde au mandat local.
Appel à une nouvelle étape de décentralisation
Dans cette interview, David Lisnard envoie un message politique fort. Il appelle à une nouvelle étape de décentralisation, plus ambitieuse, plus réelle et plus respectueuse des communes. Selon lui, les territoires doivent retrouver leur capacité à décider, expérimenter, déployer des solutions adaptées. L’État devrait se concentrer sur les missions régaliennes et sur des orientations stratégiques, tout en laissant aux communes la liberté d’organiser leurs compétences sans lourdeur excessive.
Il ne s’agit pas de s’opposer à l’État, mais de rééquilibrer les responsabilités. Les maires demandent une relation fondée sur la confiance, pas sur la suspicion. La prolifération des contrôles a priori révèle une administration qui cherche à réduire les risques plutôt qu’à faciliter l’action. David Lisnard plaide pour un système où les contrôles interviennent a posteriori, comme c’était le cas autrefois, laissant plus d’espace aux initiatives. Cette évolution pourrait redonner de la dynamique à des territoires parfois contraints dans leur développement.
Une gestion locale qui produit des résultats concrets
David Lisnard rappelle que les communes produisent des résultats visibles : infrastructures rénovées, équipements publics modernisés, actions sociales renforcées, soutien aux commerces, aménagements urbains, politiques culturelles et sportives. À l’échelle locale, les projets avancent malgré les obstacles. Les maires portent des transformations tangibles. Ils savent adapter leurs actions aux contraintes financières et climatiques. La proximité facilite l’efficacité. Les habitants voient ces progrès au quotidien. Cela prouve, selon lui, que la France gagnerait à miser davantage sur la décentralisation.
Les projets municipaux reflètent aussi l’évolution des attentes. Les habitants réclament des espaces verts, des mobilités douces, des écoles rénovées, une meilleure qualité de l’air, des centres-villes vivants. Les maires s’efforcent de répondre à ces défis, parfois dans un cadre réglementaire dense. Leur créativité se heurte souvent à des contraintes techniques complexes ou à des délais administratifs qui ralentissent la mise en œuvre. Alléger ces contraintes permettrait d’accélérer les transformations nécessaires.
Quel avenir pour la relation entre l’État et les communes ?
La question se pose avec acuité en cette ouverture du Congrès des maires. Les élus veulent être associés aux décisions nationales. Ils demandent d’être consultés avant la publication de nouveaux textes qui les concernent directement. Ils souhaitent une meilleure lisibilité des règles, une stabilité juridique et un cadre budgétaire durable. Ils ne veulent plus voir leurs moyens fluctuer au gré des arbitrages nationaux. L’avenir de la relation entre l’État et les collectivités se joue dans cette volonté de rééquilibre.
David Lisnard appelle à un État partenaire, non un État prescripteur. Les communes demeurent les structures les plus proches des citoyens. Elles réagissent plus vite et plus efficacement. Elles innovent dans l’organisation des services, l’inclusion, l’écologie, la culture, la sécurité du quotidien. Libérer cette énergie locale devient une priorité. Le président de l’AMF souhaite que ce Congrès soit le point de départ d’un dialogue plus constructif et plus équilibré.
Une conclusion tournée vers l’action
Pour David Lisnard, le message est simple : « L’État doit laisser les maires travailler ». Il ne s’agit pas d’une critique isolée, mais d’une revendication partagée par une grande partie des élus présents au Congrès. Les maires ne demandent pas moins de responsabilités. Ils en demandent davantage, mais dans un cadre qui leur permette de les exercer pleinement. Cette demande résonne fortement dans un pays où la confiance envers les institutions se fragilise. Redonner du pouvoir aux élus locaux pourrait renforcer la démocratie et améliorer l’efficacité de l’action publique.
Les semaines à venir montreront si le gouvernement est prêt à entendre cet appel. La relation entre l’État et les communes pourrait alors entrer dans une nouvelle phase, plus équilibrée, plus constructive, plus tournée vers les réalités concrètes des territoires. Le message de David Lisnard, ferme mais lucide, souligne l’enjeu : pour moderniser le pays, il faut commencer par libérer ses maires.


