Depuis l’annonce d’un nouveau projet de décret, le monde du thermalisme est en alerte. Le taux de prise en charge des cures conventionnées, qui s’élève aujourd’hui à 65 % pour la majorité des curistes, pourrait bientôt tomber à seulement 15 %. Une baisse brutale qui suscite des réactions vives de la part des professionnels et fait peser une menace sérieuse sur plusieurs stations thermales françaises.
Un coup de tonnerre dans le secteur thermal

L’annonce gouvernementale a déclenché une onde de choc auprès des acteurs du thermalisme. Jusqu’à présent, la prise en charge standard d’une cure thermale par l’assurance maladie atteignait 65 % du forfait thermal pour les curistes hors Affection de Longue Durée (ALD). Le projet met en péril ce modèle depuis longtemps en place.
Selon le texte envisagé, ce taux serait abaissé à 15 % pour les curistes ordinaires. Cette décision s’ajoute à la suppression du remboursement à 100 % pour les patients en ALD, qui se voyait déjà réduit à 65 %. Le double impact fait craindre aux stations un effondrement de leur fréquentation.
Les professionnels du thermalisme parlent de « coup de massue ». Ils pointent un paradoxe : alors que la cure est prescrite dans un cadre médical, la prise en charge se réduit drastiquement. Cette mesure n’affecterait pas seulement les curistes mais tout l’écosystème des stations : hébergements, commerces, emplois.
Chiffres clés et enjeux économiques
Chaque année, près de 470 000 curistes bénéficient d’une cure conventionnée en France, dont environ 25 % sous le régime ALD. Le coût moyen d’une cure s’élève à certains milliers d’euros, frais annexes compris (hébergement, transport). Avec un remboursement limité à 15 %, la part restant à la charge du curiste pourrait dépasser 1 500 euros pour une cure standard.
Le gouvernement affiche l’objectif d’économiser 200 millions d’euros grâce à cette réforme, contre 25 millions précédemment évoqués. Pour les stations thermales, la marge de manœuvre se réduit fortement : moins de curistes implique moins de recettes, moins d’emplois et, pour certaines communes, un modèle économique fragile.
Dans plusieurs stations, les retombées économiques sont mesurables : l’activité hôtelière, la restauration, les services autour du bien-être dépendent largement de l’afflux des curistes. Or, si un très grand nombre d’entre eux renonce à la cure faute d’une prise en charge suffisante, c’est un segment entier de l’économie locale qui est menacé.
Les réactions du terrain : stations en alerte
Dans des stations réputées, la tension monte. Un exploitant évoque une possible perte de 50 % de fréquentation s’il fallait appliquer le taux de remboursement envisagé. Les petits établissements parlent de « fermeture annoncée ». Le président d’une fédération nationale des établissements thermaux alerte : certaines communes pourraient perdre leur unique activité économique.
Les élus locaux ne sont pas non plus en reste. Ils rappellent que le thermalisme contribue à l’aménagement du territoire, au maintien des populations et des emplois, en zone rurale ou montagneuse. La baisse de la prise en charge pose la question de cocher non seulement la santé mais aussi le rôle social et économique de ces cures.
Des professionnels redoutent un transfert de patients vers des soins plus coûteux ou vers des abandons de soin. Pour eux, la remise en cause du modèle de prise en charge pourrait avoir des effets en chaîne sur l’état de santé de populations déjà fragiles.
Le cadre actuel et ce qui pourrait changer
Actuellement, la prise en charge des cures thermales conventionnées couvre :
- un forfait de soins (forfait thermal) remboursé à 65 % dans le cadre normal,
- un remboursement à 100 % pour les patients en ALD ou en accident du travail,
- des frais de transport et d’hébergement selon conditions de ressources.
Le nouveau projet comprend les mesures suivantes :
- réduction générale du taux de remboursement à 15 % pour les curistes hors ALD,
- suppression de la prise en charge à 100 % pour les patients en ALD, ramenée à 65 % comme les autres assurés,
- application prévue dès février 2026, si le texte est validé.
Ainsi, une cure qui coûtait par exemple 680 euros pourrait ne plus donner lieu qu’à un remboursement d’environ 130 euros pour une personne classique. Hors remboursement, le reste à charge exploserait. De nombreuses stations jugent cela insoutenable.
Impacts attendus sur les stations thermales
Fréquentation en forte baisse
La principale conséquence attendue est la chute de la fréquentation. Beaucoup de curistes, notamment modestes, ne pourraient plus assumer le reste à charge. Résultat : perte de clientèle stable pour les centres.
Risque de fermeture ou réduction d’activité
Les stations qui fonctionnent déjà à marges faibles craignent de devoir réduire leurs activités, voire fermer. Les emplois directs (soignants, encadrement) et indirects (hôtellerie, restauration) sont donc menacés.
Effet domino sur l’économie locale
Les communes thermales ne vivent pas que de soins : elles bénéficient de l’activité touristique, des commerces, des services qui en découlent. La cure est un pilier économique. Une crise de ce secteur pourrait entraîner une contraction générale.
Santé et accès aux soins en danger
Au-delà de l’économie, l’enjeu sanitaire est présent. Certains patients souffrent de pathologies chroniques pour lesquelles la cure est prescrite. Avec une prise en charge réduite, certains renonceront aux soins. Les professionnels alertent d’une « catastrophe sanitaire ».
Arguments pour et contre la réforme
Les partisans de la réduction
- Il s’agit d’un levier de réduction des dépenses de l’assurance maladie.
- Certains estiment que la cure thermale relève davantage du bien-être que du soin médical dans certains cas.
- L’objectif affiché est l’équité : faire contribuer davantage les assurés non ALD.
Les opposants
- Ils rappellent que la cure thermale rentre dans le cadre de soins pour certaines pathologies.
- Le secteur thermalisme assure avoir des études démontrant l’efficacité des cures pour certaines affections.
- Ils soulignent le rôle économique, social et territorial des stations thermales.
- Ils préviennent que la mesure pourrait générer des coûts encore plus grands via l’aggravation des pathologies, un accès réduit aux soins et une désertification des territoires.
Ce que devront faire les curistes et les stations
Pour les curistes
- Se renseigner dès maintenant sur les coûts réels de la cure, y compris les frais non remboursés.
- Vérifier si leur pathologie entre dans une orientation thérapeutique reconnue.
- Anticiper la prise en charge de leurs frais et envisager le reste à charge.
- Considérer un départ avant l’application du nouveau décret si possible.
Pour les stations thermales
- Communiquer largement auprès des curistes sur les conditions et les conséquences possibles.
- Adapter leurs offres, diversifier les services annexes (bien-être, prévention) pour conserver une clientèle.
- Engagez un dialogue avec les élus et les organismes locaux pour anticiper les effets économiques.
- Étudier des scénarios de réduction d’activité ou de regroupement pour assurer la viabilité.
Le calendrier à surveiller
Le projet de décret doit passer devant le Parlement, puis être promulgué. S’il est validé, son entrée en vigueur est envisagée pour le 1er février 2026. D’ici là, le texte pourrait encore évoluer sous la pression des acteurs du secteur. Il reste primordial de suivre les publications officielles et les arrêtés qui pourraient être modifiés.
Quel avenir pour le thermalisme français ?
Le thermalisme, comme secteur économique et de soin, traverse une phase critique. La réforme envisagée pourrait marquer un tournant : soit un retrait progressif de la prise en charge traditionnelle, soit un ajustement du modèle pour en assurer la pérennité.
Les stations devront redéfinir leur rôle : soins, bien-être, prévention. Le modèle hôtel-spa thermale pourrait intégrer davantage de tourisme santé ou mix soins/bien-être pour attirer d’autres clientèles.
Du côté des politiques publiques, la question se pose : comment maintenir l’accès aux soins et l’aménagement territorial tout en maîtrisant les dépenses ? L’équation est complexe, d’autant que le thermalisme touche des zones parfois rurales fragiles.


