Le foncier s’impose aujourd’hui comme l’un des sujets les plus sensibles pour les communes. Sans maîtrise foncière, aucun projet n’avance vraiment, qu’il s’agisse de créer de l’activité économique, de relancer le logement ou de redessiner un cœur de ville. Lors du congrès des maires, l’atelier consacré à cette question a mis en lumière un consensus rare : sans un assouplissement des règles, une simplification des outils et un renforcement de l’ingénierie, les collectivités n’atteindront ni leurs ambitions locales ni les objectifs nationaux, notamment ceux associés au Zéro artificialisation nette. En choisissant de ne pas se laisser enfermer dans un débat stérile sur le ZAN, les intervenants ont préféré explorer des solutions concrètes et rappeler ce que les élus vivent chaque jour sur le terrain.
La reconquête foncière, un parcours d’obstacles permanent

La maire de Gannat, Véronique Pouzadoux, a résumé le sentiment de nombreux élus en décrivant la réhabilitation d’une friche comme « les douze travaux d’Astérix ». Derrière la formule imagée se cache une réalité bien connue : chaque opération foncière s’apparente à un long chemin administratif, technique et réglementaire. Les collectivités doivent composer avec des diagnostics environnementaux lourds, des contraintes patrimoniales parfois paralysantes, des règles de déconstruction exigeantes et des interlocuteurs multiples. Même lorsque des dispositifs existent, ils apparaissent trop cloisonnés, trop spécialisés ou trop complexes pour être mobilisés rapidement par une petite ou moyenne commune.
Cette accumulation de freins conduit paradoxalement à figer les territoires, alors même que la pression sur le logement et la recherche de nouvelles surfaces économiques se renforcent. Les maires expliquent qu’ils travaillent souvent sur des projets qui s’étalent sur plus d’une décennie, non pas en raison d’un manque de volonté, mais parce que les procédures successives absorbent une énergie considérable. La vacance commerciale, les logements inoccupés ou les zones d’activités vieillissantes deviennent des sujets impossibles à traiter à la vitesse attendue par les habitants.
L’ingénierie locale, un maillon trop fragile pour accompagner les projets
L’autre défi majeur tient au manque d’ingénierie disponible dans les communes. Les élus constatent que maîtriser le foncier suppose de disposer d’une expertise juridique, urbaine, technique et financière que toutes les collectivités ne peuvent pas internaliser. Les intercommunalités ou les établissements publics fonciers apportent un soutien appréciable, mais leur capacité d’intervention reste limitée face à la multiplication des demandes. Les petites communes, en particulier, peinent à trouver des prestataires ou des partenaires capables de porter des études de faisabilité complètes, de monter les dossiers d’assainissement, de coordonner les diagnostics ou d’accompagner les négociations avec les propriétaires.
Cette faiblesse de l’ingénierie entraîne un décalage entre les ambitions politiques locales et la réalité opérationnelle. Même lorsqu’un foncier semble disponible, sa transformation demande un niveau de préparation et de sécurisation que les élus ne peuvent assurer seuls. Les intervenants ont insisté sur la nécessité d’un renforcement massif de l’accompagnement de l’État, non pour reprendre la main, mais pour permettre aux communes de franchir les étapes techniques avec davantage de sérénité et de rapidité.
Le foncier public, une ressource sous-utilisée qui pourrait accélérer les projets
Le débat a également souligné l’importance du foncier détenu par l’État et ses opérateurs. Les maires estiment que la mobilisation de ce patrimoine public pourrait constituer un levier décisif pour accélérer les projets, notamment dans les zones tendues ou dans les petites villes qui cherchent à relancer leur attractivité. Pourtant, les procédures de cession ou de valorisation du foncier public restent souvent longues et peu lisibles. Les collectivités regrettent des évaluations parfois déconnectées du marché local ou des délais incompatibles avec les calendriers d’aménagement.
Cette situation conduit paradoxalement certains territoires à manquer de foncier disponible alors que des emprises publiques, parfois stratégiques, restent inoccupées. Les élus appellent donc à des accords-cadres plus souples, à des mécanismes de portage foncier partagés et à une meilleure coordination entre services de l’État et collectivités.
Vers une doctrine foncière plus claire au service des projets locaux
À travers cet atelier, une conviction a émergé avec force : la question foncière ne se résume pas à une contrainte environnementale ou réglementaire. Elle constitue le socle de toute politique locale. Pour atteindre les objectifs du ZAN, relancer la production de logements, revitaliser les centres-villes et préparer les transitions écologiques, les communes doivent disposer d’une doctrine claire, d’outils agiles et de délais adaptés.
Les maires ne contestent pas la nécessité de mieux protéger les sols. Ils demandent simplement des conditions réalistes pour transformer ce qui existe déjà, reconquérir les friches, réhabiliter les logements vacants ou adapter les tissus urbains. Le congrès a démontré que la bataille du foncier ne fait que commencer et qu’elle mobilisera, dans les mois à venir, autant la volonté politique que la capacité de l’État à accompagner réellement les collectivités.


