L’Assemblée nationale a adopté, dimanche, une mesure controversée du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 : la limitation de la durée des arrêts maladie. Désormais, une première prescription ne pourra pas excéder un mois, et son renouvellement sera limité à deux mois. Les médecins conserveront toutefois la possibilité de déroger à cette règle, s’ils estiment que l’état de santé du patient le justifie, à condition d’en motiver la raison sur l’arrêt de travail.
Cette disposition, discutée depuis plusieurs semaines dans l’hémicycle, s’inscrit dans un contexte de hausse continue des dépenses liées aux indemnités journalières, qui atteignent aujourd’hui des niveaux record.
Une mesure inscrite dans la loi, et non fixée par décret

Le gouvernement souhaitait initialement fixer cette durée par décret, en limitant les arrêts à 15 jours pour les médecins de ville et à 30 jours pour les établissements hospitaliers. Mais cette version, jugée trop rigide, a été retoquée par les députés.
Un amendement socialiste, adopté à la majorité, a permis de porter la durée maximale à un mois, dans tous les cas, et de l’inscrire directement dans la loi plutôt que de laisser cette compétence à l’exécutif.
Ce compromis, salué par plusieurs groupes d’opposition, vise à préserver une marge d’appréciation médicale, tout en posant un cadre légal à la durée des arrêts. “C’est une mesure de simplification, mais aussi de responsabilisation”, a expliqué Stéphanie Rist, ministre de la Santé, en séance publique.
Des inquiétudes chez les élus de terrain et les soignants
L’amendement ne fait pas l’unanimité. Plusieurs députés de gauche, notamment Sandrine Runel (PS), ont dénoncé un risque pour les patients vivant dans les zones où les médecins sont peu nombreux. “Une personne malade retournera au travail faute d’avoir pu trouver un nouveau rendez-vous pour prolonger son arrêt”, a-t-elle alerté.
Le député Paul-André Colombani (LIOT) a quant à lui fustigé une mesure qui “introduit une logique de suspicion à l’égard des soignants et des assurés”. Du côté des syndicats médicaux, la crainte porte sur une charge administrative accrue et sur le risque de rupture de soins pour les patients atteints de pathologies longues ou chroniques.
Les médecins pourront toujours dépasser le plafond prévu, mais devront justifier la dérogation sur la prescription, ce qui pourrait rallonger le temps de rédaction et compliquer le suivi des dossiers.
Un objectif budgétaire assumé par le gouvernement
L’exécutif justifie cette réforme par la croissance exponentielle des dépenses d’indemnités journalières, évaluées à 11 milliards d’euros en 2025. Ces dépenses augmentent de 6 % par an depuis cinq ans, un rythme jugé “insoutenable” par la ministre de la Santé.
Le gouvernement estime que cette limitation permettra un meilleur suivi médical des patients. En revenant plus régulièrement consulter, ils bénéficieraient d’un accompagnement plus précis, notamment en cas de rechute ou de complication.
Selon les estimations annexées au projet de budget, cette mesure devrait également augmenter le nombre de consultations médicales, mais permettre une meilleure prise en charge à moyen terme. L’exécutif espère ainsi freiner la dérive des arrêts longue durée, tout en préservant la qualité du soin.
Un débat récurrent sur les arrêts de travail
Jusqu’à présent, aucune durée maximale d’arrêt maladie n’était prévue dans le droit français. Des recommandations indicatives existent selon les pathologies, mais elles n’ont pas de valeur contraignante.
Les assurés sont toutefois soumis à un plafond de 360 jours d’indemnités journalières sur trois ans, hors cas d’affections de longue durée (ALD). Le gouvernement avait envisagé de ramener ce plafond à 360 jours également pour les ALD non exonérantes, aujourd’hui couvertes jusqu’à 1 095 jours sur trois ans.
Cette disposition, qui aurait impacté les personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques ou de troubles dépressifs, a finalement été supprimée par l’Assemblée après de vifs débats. Les députés ont jugé que la mesure pénaliserait injustement les malades chroniques, dont la reprise d’activité est souvent progressive.
Le cas particulier du congé maternité
Autre point sensible discuté dans le cadre du budget : la visite médicale de reprise du travail à l’issue d’un congé maternité. Actuellement obligatoire, le gouvernement souhaitait la rendre facultative, au nom de la simplification administrative.
Cette proposition a également été rejetée par les députés, qui ont insisté sur l’importance de cette consultation pour prévenir les risques liés à la reprise d’activité après une grossesse. La majorité des groupes politiques ont défendu le maintien de cette obligation, considérée comme une garantie sanitaire et sociale pour les salariées concernées.
Une réforme sous tension
Ce vote illustre les tensions autour de la maîtrise des dépenses sociales, dans un contexte budgétaire contraint. Le gouvernement cherche à réduire le déficit de la Sécurité sociale, tout en maintenant le niveau des prestations.
Les arrêts de travail représentent l’un des postes de dépense les plus dynamiques du système. Entre les congés maladie classiques, les pathologies psychologiques et les arrêts post-Covid, la courbe des indemnités journalières ne cesse de grimper.
Mais pour de nombreux élus et professionnels de santé, la réforme risque d’avoir l’effet inverse de celui recherché : une hausse du nombre de consultations, une surcharge des cabinets médicaux et une complexification des démarches pour les patients fragiles.
Ce qui change concrètement
À compter de l’entrée en vigueur du budget 2026, les principales règles applicables seront les suivantes :
- Durée maximale d’un arrêt de travail initial : 1 mois ;
- Durée maximale d’un renouvellement : 2 mois ;
- Possibilité de dérogation, à condition que le médecin motive sa décision sur la prescription ;
- Suivi renforcé du patient par des consultations plus rapprochées ;
- Aucune modification pour les affections de longue durée (ALD) après suppression de l’article correspondant.
Entre encadrement médical et défi social
Le gouvernement présente cette réforme comme une mesure de bon sens destinée à encadrer un système en dérive. Ses détracteurs y voient une forme de méfiance institutionnelle envers les médecins et les assurés, ainsi qu’un risque accru pour les malades isolés ou chroniques.
Le débat autour des arrêts de travail met une nouvelle fois en lumière les fragilités du modèle français de protection sociale, partagé entre impératif budgétaire et exigence de solidarité.
À l’heure où la santé publique reste un enjeu central, cette réforme du budget 2026 s’annonce comme l’un des sujets les plus sensibles de l’année parlementaire à venir.


