En pleine séquence budgétaire et alors que le Congrès des maires se déroule Porte de Versailles, le gouvernement dévoile une mesure technique aux effets politiques immédiats. La fiabilisation des bases locatives, fondée sur l’intégration d’éléments de confort jusque-là non pris en compte, pourrait rapporter près de 466 millions d’euros aux collectivités dès 2026. Une annonce accueillie comme une bonne nouvelle par les élus locaux, mais qui laisse présager une hausse de taxe foncière pour de nombreux propriétaires.
Une annonce technique qui tombe au cœur du débat budgétaire

La présentation du projet de loi de finances pour 2026 a ouvert, comme chaque année, la période sensible où s’entrechoquent les revendications des élus locaux, les contraintes budgétaires de l’État et les attentes souvent inquiètes des contribuables. En annonçant une mise à jour ciblée des bases locatives, Bercy a surpris même les associations d’élus, pourtant rompues aux arbitrages budgétaires tardifs. La mesure prend une importance particulière car elle intervient au moment où les collectivités déplorent une accumulation de charges nouvelles et une érosion progressive de leurs marges de manœuvre fiscales.
Cette fiabilisation n’a pourtant rien à voir avec la réforme générale des valeurs cadastrales, chantier réputé politiquement explosif et toujours repoussé. Elle constitue une opération beaucoup plus limitée : réintégrer dans les calculs des éléments matériels qui devraient logiquement figurer dans l’appréciation de la valeur d’usage d’un logement, mais qui n’y apparaissaient pas, faute de mise à jour systématique des bases. En d’autres termes, des logements disposant depuis longtemps d’un certain confort étaient taxés comme s’ils ne l’étaient pas, générant des situations d’iniquité territoriale mais aussi une perte de recettes pour les collectivités.
Les éléments de confort désormais pris en compte
Les services fiscaux procéderont désormais à l’intégration de plusieurs installations, comme l’eau courante, l’électricité, la présence de sanitaires ou d’équipements jugés indispensables à l’appréciation du confort moderne. Chacun de ces éléments ne fait pas l’objet d’une évaluation financière directe mais d’une équivalence en mètres carrés. La méthode peut sembler étonnante, mais elle s’inscrit dans la logique historique du calcul de la taxe foncière, fondé sur une surface pondérée plus complexe qu’elle n’en a l’air.
Ainsi, l’installation d’une baignoire entraîne une revalorisation forfaitaire de cinq mètres carrés. Une cabine de douche est traduite en quatre mètres carrés supplémentaires, tandis qu’un lavabo additionnel compte pour trois mètres carrés dans le calcul final. Ces équivalences s’additionnent aux surfaces déjà déclarées et modifient mécaniquement la base d’imposition, sans intervention des collectivités sur leurs taux.
La logique de l’administration est simple : rétablir une cohérence entre la réalité physique des logements et les données fiscales utilisées, tout en réduisant les écarts parfois considérables entre des biens similaires. Les contrôles menés dans plusieurs communes pilotes avaient montré que des centaines de milliers de logements comportaient depuis longtemps des installations non intégrées dans la base cadastrale, soit par absence de déclaration, soit par manque d’actualisation administrative.
Un gain financier significatif pour les communes
Pour les collectivités locales, cette correction technique représente un apport budgétaire immédiat. Les estimations de Bercy évoquent un montant global de 466 millions d’euros dès 2026. Dans un contexte de tension financière accrue, marqué par l’inflation des coûts de fonctionnement, la hausse des dépenses d’énergie et la revalorisation du point d’indice des agents publics, cette nouvelle recette apparaît comme un « bol d’air » bienvenu pour les maires.
L’annonce intervient opportunément en plein Congrès des maires, au moment précis où les élus expriment leurs inquiétudes concernant la soutenabilité financière de leurs politiques publiques. Pour nombre d’entre eux, cette mesure permet de restaurer une part de justice fiscale et d’obtenir des ressources sans augmenter le taux de taxe foncière, ce qu’ils s’efforcent d’éviter après plusieurs années de hausse nationale des bases.
Une inquiétude persistante du côté des contribuables
Cette embellie budgétaire pour les communes se traduit toutefois par une perspective beaucoup moins positive pour les propriétaires. La mise à jour des bases entraînera, pour une partie d’entre eux, une augmentation de la taxe foncière sans qu’ils aient réalisé la moindre nouvelle installation. Le simple fait que l’administration reconnaisse officiellement un équipement existant depuis parfois plusieurs décennies suffit à gonfler la surface fiscale du logement.
Les associations de contribuables pointent déjà ce qu’elles considèrent comme une hausse indirecte, voire dissimulée, de la fiscalité locale. Elles rappellent que la taxe foncière a déjà enregistré des augmentations importantes ces dernières années, notamment du fait de la revalorisation forfaitaire nationale des bases, indexée sur l’inflation. Pour beaucoup de ménages, cette mesure s’ajoute à un sentiment plus général de perte de lisibilité de l’impôt local.
Une réforme limitée qui relance le débat sur les valeurs cadastrales
Si la fiabilisation annoncée par Bercy apporte un bénéfice financier réel, elle ne répond pas aux interrogations structurelles sur la pertinence et l’équité du système cadastral français. Les valeurs locatives servant de base à la taxe foncière datent pour l’essentiel du début des années 1970 et ne reflètent plus la réalité du marché immobilier. Les élus locaux appellent de longue date à une réforme générale, même s’ils reconnaissent sa complexité et son caractère explosif sur le plan politique.
En attendant cette refonte, la mise à jour des éléments de confort constitue une étape technique et intermédiaire qui permet de corriger certaines incohérences tout en augmentant les recettes. Elle ne suffit cependant pas à répondre aux aspirations d’un impôt local plus moderne, plus lisible et plus équitable. Le débat ressurgira inévitablement, à mesure que les collectivités chercheront de nouvelles ressources et que les contribuables se montreront plus attentifs aux évolutions de leur fiscalité.


