La Cour d’appel de Paris a condamné mercredi 24 septembre 2025 le groupe pharmaceutique Sanofi à verser plus de 150 millions d’euros de dommages-intérêts à la Caisse nationale d’Assurance Maladie (Cnam). Cette sanction fait suite à des « pratiques anticoncurrentielles » menées entre septembre 2009 et janvier 2010, visant à freiner le développement des génériques du médicament anticoagulant Plavix. Ce versement représente le second plus important jamais accordé à l’Assurance Maladie après celui lié au scandale du Médiator.


Les faits reprochés : une stratégie de dénigrement des génériques

Sanofi

Sanofi SA et sa filiale Sanofi Winthrop Industrie SA ont mis en œuvre une stratégie de communication dénigrante destinée à inciter les médecins à prescrire exclusivement Plavix, son médicament original, et à unifier les ordonnances pour éviter la substitution par des génériques concurrents. Cette démarche comprenait aussi des méthodes pour orienter les pharmaciens à délivrer le générique de Sanofi lui-même.

Cette stratégie avait pour but de maintenir des ventes élevées malgré l’expiration des brevets, empêchant les concurrents de bénéficier du marché plus accessible aux génériques moins chers.


Une condamnation financiaire importante pour Sanofi

  • La Cour d’appel a condamné Sanofi à verser un total de 150 748 005 euros à la Cnam.
  • Cette somme comprend 126 222 994 euros de préjudice lié aux remboursements des assurés et à la rémunération des pharmaciens.
  • S’y ajoutent 24 525 011 euros de préjudice financier supplémentaire.
  • La décision confirme les sanctions prononcées en 2013 par l’Autorité de la concurrence, qui avait infligé une amende de 40,6 millions d’euros à Sanofi.

Un impact durable malgré une période limitée

Bien que ces pratiques illicites aient duré seulement cinq mois, entre septembre 2009 et janvier 2010, la Cour souligne que leur effet a perduré durablement. Jusqu’en 2021, soit onze ans après la fin des agissements, les médecins et pharmaciens ont continué à favoriser Plavix et son générique Sanofi, empêchant la diffusion plus large des autres génériques.


Contexte pharmaceutique : le Plavix, un médicament clé

Le Plavix, dont le principe actif est le clopidogrel, est un antiagrégant plaquettaire utilisé pour éviter la formation des caillots sanguins. C’est l’un des médicaments les plus prescrits dans le monde et le premier poste de remboursement de l’Assurance Maladie en France.

Dans les années 2010, Sanofi a vu plusieurs brevets importants expirer (Plavix, Lantus, Eloxatine), ce qui a durablement affecté son chiffre d’affaires et motivé la défense agressive de ses parts de marché.


Sanofi face à la décision : un possible pourvoi en cassation

Le groupe pharmaceutique a réagi en précisant qu’il étudiait les motivations de la décision de la Cour d’appel. Sanofi se réserve la possibilité de former un pourvoi en cassation.

Sanofi affirme par ailleurs appliquer des normes strictes de conformité et de respect du droit de la concurrence, avec des procédures internes rigoureuses.


Un précédent sérieux après le scandale Médiator

La somme accordée à l’Assurance Maladie dans ce dossier est la deuxième plus importante jamais obtenue, juste derrière l’indemnisation liée à l’affaire du Médiator, qui avait coûté environ 367,6 millions d’euros au laboratoire Servier. Ce précédent montre la volonté des juridictions françaises de sanctionner les pratiques commerciales abusives dans le secteur pharmaceutique.


Litiges internationaux liés au Plavix

Aux États-Unis, Sanofi et Bristol Myers Squibb ont récemment été condamnés à verser 700 millions de dollars à l’État d’Hawaï dans une autre affaire concernant le Plavix. Ils étaient poursuivis pour ne pas avoir informé pleinement sur certaines limites d’efficacité du médicament pour une partie spécifique de la population.


La condamnation de Sanofi à verser plus de 150 millions d’euros à la Cnam illustre la fermeté de la justice française face aux pratiques anticoncurrentielles dans l’industrie pharmaceutique. En privilégiant une stratégie visant à freiner la diffusion des génériques, Sanofi a causé un préjudice financier important à l’Assurance Maladie et indirectement aux consommateurs. Ce jugement rappelle la vigilance nécessaire sur les stratégies de marché des grands groupes afin de garantir un accès équitable aux médicaments à moindre coût.