Territoire zéro chômage de longue durée

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Territoire zéro chômage intéressés par l’expérimentation « territoires zéro chômage de longue durée » initiée par ATD Quart Monde peuvent se porter candidats. Un décret et un arrêté publiés fin juillet précisent les modalités de l’expérimentation et de candidature, dans le cadre de la loi du 29 février 2016.

Les décret et arrêté concernant l’expérimentation « territoires zéro chômage de longue durée » ont été publiés fin juillet 2016. Après la promulgation de loi en février 2016, plusieurs territoires attendaient ces documents pour pouvoir se porter candidats et connaître les modalités de l’expérimentation.

L’idée, portée par l’association ATD Quart Monde, consiste à créer des emplois en CDI sur des activités inexistantes bien qu’utiles à la société, mais insuffisamment rentables selon les critères économiques. Financés par le transfert des sommes affectées au chômage de longue durée, dont le coût pour la collectivité est évalué par ATD entre 15.000 et 20.000 euros par personne et par an, ces emplois seront proposés par des entreprises conventionnées.

Une expérimentation sur une durée de cinq années est prévue dans dix territoires. Certains sont prêts depuis un moment, car ils ont engagé la démarche depuis plusieurs années. C’est le cas des communes de Pipriac et de Saint-Ganton (Ille-et-Vilaine), du Grand Mauléon (Deux-Sèvres), de la communauté de communes Entre Nièvre et Forêts et de Châteauneuf-Val de Bargis (Nièvre) et de la communauté de communes Pays de Colombey et du Sud toulois (Meurthe-et-Moselle).

Le décret n°2016-1027 du 27 juillet 2016, publié le 28 juillet au Journal officiel, décrit dans le détail les modalités de cette expérimentation et détermine les règles d’organisation et de fonctionnement de l’association gestionnaire du fonds national d’expérimentation, créé en juillet 2016. Il précise aussi les règles de versement des aides aux entreprises participant à l’expérimentation.


Ainsi, le texte indique que le fonctionnement de l’association est financé par l’Etat et par les collectivités, les établissements publics de coopération intercommunale ou les groupes de collectivités territoriales participant à l’expérimentation, ainsi que par tous autres organismes publics ou privés volontaires.

Son conseil d’administration doit se réunir au moins deux fois par an et son bureau est composé de huit membres, parmi lesquels un représentant de l’Etat, un représentant des collectivités territoriales, le représentant de Pôle emploi, le représentant du Conseil national de l’insertion par l’activité économique et le représentant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Une contribution de l’Etat à hauteur de 53% du Smic

Concernant la contribution attribuée aux entreprises conventionnées par le fonds qui embauchent des personnes dans le cadre de cette expérimentation, le décret donne quelques informations. Fixé en proportion du salaire minimum de croissance (Smic), elle ne peut excéder 113% du montant brut par heure travaillée, et ne peut être cumulée, pour une même embauche, avec une autre aide à l’insertion ou à l’emploi financée par l’Etat au titre d’un même salarié. Son versement est réalisé sur production d’une attestation de l’employeur justifiant le nombre d’heures de travail effectuées par les salariés participant à l’expérimentation.

L’Etat contribue à hauteur de 53% minimum (maximum 101%) du montant brut horaire du Smic. « Ce taux est fixé annuellement par arrêté des ministres en charge de l’emploi et du budget », signale le décret.
Des comités locaux de pilotage et d’appui à l’expérimentation, prévus dans la loi, doivent être mis en place. 

Composés des représentants des collectivités territoriales, du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, de Pôle emploi et des entreprises conventionnées, ils sont chargés de piloter l’expérimentation dans les territoires habilités (coordination de l’action des acteurs locaux, état de la situation socio-économique des territoires, information et accueil des demandeurs d’emploi de longue durée volontaires, recensement des activités répondant à des besoins non satisfaits…).

Ils suivent le déploiement et collectent les données nécessaires au fonds pour suivre et réaliser le bilan de l’expérimentation. Une évaluation de l’expérimentation est prévue, réalisée par un comité scientifique composé de personnalités reconnues pour leurs compétences académiques et de représentants des services des études et des statistiques. Elle permettra notamment de comparer l’évolution dans les territoires habilités sur les dimensions d’emploi, de qualité de vie, d’inégalités et de développement durable par rapport à une situation où l’expérimentation n’aurait pas été mise en place.

Candidatures : jusqu’au 28 octobre 2016

Les territoires concernés peuvent se reporter à l’appel à candidatures publié dans le cadre de larrêté du 29 juillet 2016. Ils ont jusqu’au 28 octobre pour y répondre. Plusieurs conditions sont nécessaires. Les territoires candidats doivent comporter approximativement de 5.000 à 10.000 habitants, soit un maximum d’environ 300 bénéficiaires chômeurs de longue durée.

Toutefois, ceux qui comportent un nombre plus élevé d’habitants, comme les quartiers de la politique de la ville, peuvent choisir de ne développer l’expérimentation que sur une partie seulement du territoire concerné. Pour déposer un dossier, il faut avoir construit un consensus local pour faire l’expérimentation et avoir créé un comité local pour l’emploi. Il faut aussi connaître les chômeurs longue durée concernés par l’expérimentation qui seront employés dans ce cadre et les travaux utiles qui pourraient leur être confiés, et disposer de l’accord du conseil départemental pour un cofinancement des subventions versées aux entreprises conventionnées.

Les candidatures seront appréciées selon l’engagement politique du territoire, la clarté de l’organisation du comité local pour l’emploi, la capacité opérationnelle (connaissance des chômeurs, construction d’une offre de travaux utiles, organisation des entreprises conventionnées…) et les processus de vigilance locale (coopération et non-concurrence avec le secteur marchand, coopération et non-substitution avec l’emploi public, coopération et complémentarité avec les actions du service public de l’emploi…).

Il doit cependant encore obtenir une date d’examen de son texte en séance. Ce qui ne sera pas facile vu le nombre de textes en attente. « Il reste deux niches avant la fin 2015, j’espère que d’ici fin juillet on aura une date », assure le député, qui a lancé sur son blog un appel aux « citoyens, experts, chercheurs, bénévoles » pour apporter « soutien » et « expertise » afin que « cette proposition de loi puisse aboutir ».

La société ne manque pas de travail ! 

Cette proposition de loi vise à autoriser des territoires volontaires à réaffecter, de façon expérimentale, des budgets normalement dédiés à des dépenses sociales pour financer des embauches de chômeurs. Elle marquerait alors le top départ d’un projet un peu utopique imaginé en 1995 par des militants de l’insertion dans le Maine-et-Loire et porté depuis 2011 par le mouvement ATD Quart Monde.

« Le constat de départ, résume Patrick Valentin, à l’origine de la démarche, c’est que la société ne manque pas de travail. Il y a tout un tas de tâches qui seraient utiles à la société, notamment dans le monde rural, comme le nettoyage des rues, certains aménagements touristiques ou la garde d’enfants collective par exemple, qui ne sont pas faites parce qu’elles ne sont pas solvables.

À côté de ça, il y a de plus en plus de personnes qui sont durablement privées d’emploi alors qu’elles ont des compétences qu’elles ne trouvent pas à employer. »
« Notre idée, poursuit-il, c’est que ça reviendrait moins cher à la société d’embaucher ces personnes en CDI pour faire ces travaux que de financer des dépenses sociales pour compenser l’inactivité. »

15 000 € par personne et par an, le coût de l’inactivité.

En cumulant les coûts directs du chômage durable (Allocation de solidarité, RSA…), les coûts indirects (manque à gagner en termes de cotisations et d’impôts) et induits (allocations logement, coûts dus à la délinquance), ATD Quart Monde a chiffré à 15 000 € par personne et par an le coût de cette inactivité.

Son projet consiste donc à demander à l’État de réaffecter cette dépense forfaitaire par personne à un fonds local finançant les embauches, au Smic et en CDI, des chômeurs, le produit de leur travail devant financer le reste.

Pari trop audacieux pour certains 

Le pari est pour le moins audacieux. Trop peut-être pour certains, y compris chez les parlementaires socialistes, qui craignent que l’aventure coûte plus cher qu’elle ne rapporte, ou qu’elle n’aboutisse à des contrats aidés à vie, les emplois étant en CDI.

Ou encore qu’elle ne représente une possible concurrence déloyale pour des entreprises non subventionnées. L’expérimentation dans quelques territoires volontaires, qui durerait trois ans, est donc là pour lever ces doutes.

D’ores et déjà, quatre communes ont devancé la loi et démarré l’expérimentation, en entamant le travail de recensement des besoins non couverts et des compétences des chômeurs volontaires : Pipriac en Ille-et-Vilaine, Trémery (Nièvre), Mauléon (Deux-Sèvres), Colombey-les-belles (Meurthe-et-Moselle). Deux autres se sont portés volontaires, selon Patrick Valentin : un quartier de Lille (Nord) et Jouques (Bouches-du-Rhône).



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Jean Jacques Alvo, né le 16 mars 1968, est un diplômé renommé de l'Institut d'études politiques de Paris. C'est après un séjour formateur de 2 ans aux États-Unis qu'il choisit d'emprunter le chemin du journalisme. Il fait ses premières armes dans la presse écrite, avant d'occuper une position clé dans le monde du journalisme en 2001. À cette date, il prend les rênes de la rédaction du Bulletin des communes. Sous sa direction, il réoriente la ligne éditoriale du bulletin pour cibler davantage les élus et les citoyens des collectivités locales et territoriales.