La loi anti-cyber-haine est-elle applicable ?
Laetitia Avia a déposé un projet de loi anti-cyber-haine le 20 mars dernier. Cette députée et porte-parole de La République En Marche avait alors défendu ce texte. La Commission des lois de l’Assemblée l’a donc examiné, ce 19 juin. Il vise à responsabiliser les opérateurs des plateformes, afin qu’ils suppriment les contenus haineux qu’on leur signale.
Des sanctions difficiles à faire respecter
Avec sa nouvelle loi anti-cyber-haine, le Gouvernement veut proposer une nouvelle approche des contrôles des contenus sur le Web. Celle-ci tend à privatiser la régulation des publications illégales. Conséquence: les principaux opérateurs des grandes plateformes et des réseaux sociaux deviendraient plus responsables. En première ligne, cela concerne bien sûr Facebook, Twitter et YouTube. En effet, dernièrement, les contenus ultra agressifs et illégaux ont progressé de façon inquiétante sur le Net. Cette prolifération a démontré que les contrôles étaient insuffisants. De fait, la nécessité d’appliquer des sanctions adéquates s’impose. Cependant, la proposition du Gouvernement veut aussi rendre les opérateurs partiellement responsables des contenus haineux. Alors, pour les forcer à réagir, ce projet pourrait les menacer financièrement. Concrètement, les amendes pourraient atteindre 4 % du chiffre d’affaire mondial de ces entreprises. Mais est-ce réaliste ?
Des moyens énormes pour imposer une loi anti-cyber-haine
Les propos haineux sur Internet sont en forte hausse.Aussi louable que soit ce projet de loi anti-cyber-haine, il pourrait se heurter à un manque de moyens financiers. Pour les opérateurs privés, mener ce combat risque en effet de coûter très cher. Notamment pour embaucher et former des milliers de régulateurs. De plus, cette réforme les obligerait à jouer le rôle de juges judiciaires. Ainsi, ils se retrouveraient dans un rôle beaucoup plus responsable. En théorie, ce texte prévoit que tout contenu incitant à la haine soit supprimé dans les 24 heures, après son signalement. Ce contrôle vise plus particulièrement les contenus traitant de questions raciales, religieuses, ou d’orientation sexuelle. En octobre 2017, l’Allemagne a déjà promulgué une loi de ce type. Son nom : la loi « NetzDG ». En cas de non-application, l’opérateur responsable peut subir une sanction très lourde.
Un risque de censure excessive
Les mesures auxquelles pense l’exécutif risquent de créer une confusion entre loi anti-cyber-haine et contrôle de la liberté d’opinion. En effet, même si lutter contre des contenus haineux est légitime, cela comporte un risque. En cause, de nouvelles mesures qui pourraient provoquer des blocages injustifiés. De fait, les plateformes Internet pourraient choisir d’effectuer des blocages « au cas où ». Ainsi, les opérateurs visés pourraient appliquer préventivement des précautions excessives, pour éviter des amendes.
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