Filmer les procès, pour montrer la justice en toute transparence, est un projet qui couve depuis longtemps. En fait, en France, cette idée date de 1985. Époque où elle était défendue par Robert Badinter. Eric Dupont-Moretti, ministre de la Justice, vient de décider de l’appliquer. Or, cette réforme suscite des réactions mitigées.
Une idée déjà ancienne
Jusqu’à présent, filmer les procès était réservé aux seules affaires dites « historiques ». Récemment, cela s’est produit lors des audiences concernant l’attaque contre Charlie Hebdo. Ainsi, le fait de les filmer devait répondre au besoin de garder une trace. Bientôt, cette pratique devrait s’étendre aux affaires du quotidien. Comme l’avait souhaité Robert Badinter, il y a près de quarante ans, lorsqu’il était ministre. A l’époque, il avait défendu cette idée pour conserver les débats autour de l’affaire très médiatisée du nazi Klaus Barbie. Cela, afin de constituer des « […] archives historiques de la justice ». Celles-ci étant ensuite diffusables, après un délai de cinquante ans.
En effet, selon Robert Badinter, les archives audiovisuelles sont « […] indispensables pour connaître la société d’une époque ». Dans peu de temps, ce principe s’appliquera aussi à de simples plaidoiries, de prud’hommes ou de procès civils. Avec ce procédé, le garde des Sceaux souhaite permettre aux Français de mieux connaître une institution essentielle. Ainsi, il veut mettre en avant une forme de pédagogie. Pour révéler un fonctionnement souvent méconnu.
Filmer les procès : vers une justice spectacle ?
Cependant, en attendant, la commission Linden s’inquiète déjà des futures conséquences de la présence de caméras dans les prétoires. En effet, filmer les procès comporte un risque. Celui de transformer la justice en spectacle. Sous prétexte d’offrir aux Français un nouveau droit de savoir. Face à ce risque, certains magistrats ont accueilli l’approche du garde des Sceaux avec prudence. Avant de se prononcer sur les retransmissions filmées, et de mieux savoir quelles modalités s’appliqueront. Une attente réservée, récemment exprimée par Sarah Massoud, la Secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature. A l’inverse, certains magistrats ne semblent pas inquiets. Par exemple, lorsqu’ils s’appuient sur les audiences du Conseil constitutionnel, déjà retransmises en direct. Et qui ne semblent pas en souffrir.
Quoi qu’il en soit, la curiosité légitime des Français à l’égard de la justice nécessitera de définir un cadre précis pour la filmer. Cela, afin de ne pas confondre des affaires réelles avec des fictions judiciaires télévisées. Pour ne pas encourager une dérive, nourrie de voyeurisme. Et ne pas transformer les spectateurs en juges.
Des exemples à considérer
Aujourd’hui, plusieurs Etats autorisent déjà de filmer des procès. Ainsi, certains sont retransmis en direct. Voire, en léger différé. Cela, sur le Web ou à la télévision. Par conséquent, la France pourra s’inspirer de leur expérience pour définir son propre protocole. Evidemment, en veillant à ce qu’il respecte les droits fondamentaux des personnes justiciables.
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