Une délégation* des Maires ruraux de France a été reçue mardi 3 novembre à l’Hôtel Matignon par le Premier ministre, Manuel Valls à l’écoute des préoccupations portées par l’Association. Ces derniers lui ont signifié le désarroi complet des élus ruraux dans l’exercice de leur mandat. Ils sontconfrontés à l’accumulation de mesures, pas toujours adaptées ou justifiées, l’incertitude des dispositions et la volonté de réduire le rôle de la commune rurale à peau de chagrin.
A ce titre, la baisse des dotations est le coup de grâce pour de nombreuses communes rurales ! Ils ont témoigné de leur conviction que c’est en laissant les élus ruraux à définir eux même leurs modes d’actions et celle des autres acteurs ruraux, qu’ils pourront développer leur territoire. Une partie de
la solution française se trouve le monde rural. Elle est aujourd’hui inexploitée. Les exemples de l’engagement sans borne d’élus au service de l’intérêt général et de la cohésion de notre pays fleurissent partout sur le territoire.
« La confiance plutôt que la défiance »
Ils sont venus dire la colère qui monte, celle des élus qui sont les représentants des 22 millions de ruraux, face au mépris exprimé et ressenti. Trop d’élus démissionnent et abandonnent dès le début de leur mandat confié en 2014. Ces situations doivent attirer le regard de l’éxécutif et des
parlementaires pour interrompre la déstabilisation en oeuvre visant à démotiver les élus ruraux, très souvent bénévoles. Déstabiliser les élus est un accélérateur pour les extrêmes et c’est aller au-devant d’une révolte générale.
Les Maires ruraux sont venus dénoncer l’hypocrisie ambiante vis à vis de la commune. Sous couvert de « renforcer l’intercommunalité », elle est dévoyée par le cadre législatif et normatif, mesure après mesure. Conséquence : la commune est dévitalisée et son rôle essentiel en milieu rural. Ce pari est
un pari perdant pour la démocratie. Les Maires ruraux sont venus demander au Premier ministre de stopper la fuite en avant qui traduit une incompréhension du rôle clé des communes et des maires auprès des concitoyens.
« Il faut davantage faire confiance aux élus plutôt que de les défier en les dépossédant de leur responsabilité comme cela se passe aujourd’hui dans l’évolution de cadre communautaire. Pour ces raisons, les intercommunalités n’ont jamais été aussi impopulaires auprès des élus ruraux. « C’est
une défaite collective » ont tenu à rappeler les élus regrettant le rôle initial des EPCI comme coopératives de communes et non comme supra-communalité. Les échanges avec le Premier ministre ne sont pas rassurants compte tenu de sa volonté de nouveau exprimée de donner aux EPCI
le statut de collectivité. C’est une ligne de fracture entre les Maires ruraux et l’Etat. Si l’on ajoute la volonté de distribuer les dotations aux communautés de communes (EPCI) pour une redistribution aux communes membres, quelles garanties d’équité alors dans ce processus ?
Démocratie et développement Quand des services disparaissent du monde rural, les élus restent. Le Premier ministre a entendu lemessage fort adressé à l’Etat pour exiger une nouvelle politique d’aménagement du territoire. La ruralité regagne en estime et en « déclaration d’amour » venus de tous horizons. La traduction concrète tarde à venir.
Le Président des Maires ruraux a notamment dénoncé les jeux de dupe entre d’un côté le Plan Ruralités, plein de bonnes intentions et de l’autre, la poursuite de processus d‘éloignement des services (écoles, DDT, CCI, …). Ils ont regretté que toutes les mesures du plan obligent les collectivités
rurales à les financer sans un accompagnement suffisant de l’Etat alors que celui ci poursuit l’aide au développement des métropoles. Les blocages dont souffre la ruralité aujourd’hui ne lui sont pas spécifiques et impactent tout le pays. Ils ont pour origine un carcan technocratique qui prolifère par
manque de confiance et une conception de l’aménagement du territoire soi-disant rationnelle qui concentre au lieu de répartir.
Les Maires ruraux ont proposé au Premier Ministre d’accélérer le déploiement du plan Très haut débit – premier facteur d’inégalité entre les territoires – et l’augmentation de l’enveloppe dédiée aux mesures pour la ruralité comme cela vient d’être fait pour la politique de la ville.
Ils ont salué la volonté du gouvernement de mettre un terme à l’inégalité des habitants ruraux dans le budget des collectivités. L’AMRF a rappelé au Premier ministre qu’elle jugerait de sa réelle volonté d’avancer sur ce sujet dans le projet de loi de finances 2016, à l’aune de sa résistance aux
conservatismes, tenant du statu quo insupportable au profit des seules villes.
L’AMRF se félicite de la prise de conscience, pour l’instant symbolique, de la nécessité de considérer à parité, urbains et ruraux et de l’apparition légitime d’une dotation de ruralité. C’est une première reconnaissance des spécificités des espaces ruraux et des charges qui leurs incombent. A ce stade ces
avancées sont en trompe-l’oeil et trop incertaines pour marquer un changement perceptible dans les budgets des communes rurales. Pour autant, si des simulations plus complètes sont attendues, elles ne peuvent servir d’alibi pour repousser indéfiniment la réforme des dotations, aujourd’hui injuste.
C’est dès le budget 2016 que doivent être définies les principes et les règles afin d’enclencher le processus.
Concrètement, les Maires ruraux sont venus exiger la réduction des écarts injustifiée entre le montant des dotations de ruralité et de centralité (respectivement 272 M€ contre 2,3 Md€) dans le projet de budget, preuve de le persistance d’une volonté de hiérarchiser le pays au détriment des
campagnes et de ses habitants. De même que rien ne justifie les écarts dans les dotations de solidarité rurales et urbaines (800 M€ de plus pour la seconde).
Statistiques européennes (Eurostat) à l’appui**, les Maires ruraux ont rappelé au Premier Ministre que la France est majoritairement un espace non urbain et que plus d’un tiers des Français habitent et votent à la campagne. A ce titre, ils ont proposé que l’Etat change de regard sur la ruralité.
A quelques semaines du Congrès des Maires et des élections régionales, l’AMRF est venu dire la très grande vigilance tandis que l’association voit croitre ses adhérents du fait de la montée grandissante d’une colère qui doit être entendue au plus vite, au risque de fragiliser encore davantage le pacte
républicain. Démocratie et développement sont intimement liés.
* Vanik Berberian, Président des Maires ruraux de France, Michel Fournier, Premier vice-président, Louis Pautrel et Jean-Paul Carteret, vice-présidents* Respectivement maires de Gargilesse-Dampierre (36), Les Voivres (88), Le Ferré (35) et Lavoncourt (70)
** 33,8 % des Français vivent à la campagne. 60 % des Français ne vivent pas dans les villes (cumul des zones dites « intermédiaires » et « à faibles densité de population »). La France n’est que le 12 pays urbanisé de
l’Union Européenne.
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