Le 6 novembre, l’Association des Communautés Urbaines de France (ACUF) et l’Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF) unissaient leur force. Elles devenaient une seule et unique association d’élus.
« Relookage » et simplification
Les deux associations d’élus avaient maintenu le mystère jusqu’au bout.
La nouvelle entité qu’elles ont enfantée s’appellera donc « France Urbaine ». L’appellation opère tout d’abord un sérieux relookage. Exit, en effet, les acronymes du type « ACUF » ou « AMGVF » trop datés des années 70-80. L’opération rappelle celle réalisée l’an dernier par la Fédération des Villes Moyennes, dépoussiérée en « Villes de France » à l’occasion de la prise de fonction de sa présidente, Caroline Cayeux. Précédemment également, la « Fédération Nationale des Maires Ruraux » s’était rebaptisée « Association des Maires Ruraux de France – AMRF », alignant ainsi sa signalétique sur sa grande sœur, l’AMF.
L’identité nouvelle joue la carte de la sobriété : lettres noires sur fond blanc à peine rehaussée de quatre cartouches de couleur (chacun des quatre collèges de l’association ?). Le sous-intitulé « Métropoles, agglos et grandes villes » résume de façon concise la vocation de l’association : la défense des intérêts des villes et de leurs intercommunalités de plus de 100 000 habitants, communautés d’agglomération, communautés urbaines et Métropoles.
Pas de mention spécifique aux seules intercommunalités, on le voit : les grandes villes, qui étaient dans le panier de mariée de l’AMGVF, font pleinement partie de la nouvelle entité. Car, rappelons-le, le fait municipal persiste malgré la montée en puissance de leurs intercommunalités.
Voilà pour la com’. Il reste le fond, l’essentiel diront certains : la fusion des deux associations ainsi que ses tenants et aboutissants. On dénonce souvent comme un mal français de toujours créer de nouvelles structures sans jamais en supprimer. Il faut reconnaître que la démarche est de nature à faire mentir l’idée reçue. Pour une fois, le paysage politique et administratif – et la jungle des acronymes qui va avec -se simplifie. Et il faut reconnaître que l’AMGVF et l’ACUF avaient des buts communs. Au point que depuis plusieurs années déjà, elles multipliaient déclarations et prises de décision communes.
Aux côtés de l’AdCF, le GART, l’AMVBF et la FNAU, elles étaient réunies depuis 2012 par le Groupement d’Intérêt Economique Joubert, du nom de la rue Joubert qui les domicilie désormais.
Ce « Pôle Joubert » a le don de mutualiser les services de chacune.
Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation : de nombreux points techniques et financiers demeuraient à résoudre avant la fusion à proprement parler. Le délégué général de l’ACUF a ainsi fait le bilan définitif de 16 postes administratifs pour la nouvelle association, soit 2 postes et demi de moins que précédemment.
Cette union, il faut le signaler, est sans précédent dans le monde des associations d’élus.
Pour célébrer cette union, il fallait un événement à la hauteur de l’événement. La table ronde du 6 novembre « Le monde urbain : une chance pour la France » n’est placée pas moins que sous l’égide du premier ministre.
A l’heure de la refonte des collectivités locales
Manuel Valls était venu saluer le nouvel interlocuteur que les élus proposent désormais à l’Etat, au gouvernement et aux parlementaires.
« France Urbaine », c’est un « beau nom » a-t-il résumé. « Villes et métropoles sont les moteurs du développement économique car les villes sont de grandes bâtisseuses », citant l’exemple des transports durables. Il a mesuré les premiers effets de la réforme intercommunale : de 2 100 à 1 200 EPCI, un recul de 40% du nombre de communautés grâce aux fusions. Et d’évoquer sa propre agglomération d’Evry, appelée à atteindre un poids critique de 330 000 habitants.
Il a gratifié l’intercommunalité à fiscalité propre : un mouvement qui « casse les logiques d’enclavement. » « Les villes sont en première ligne pour donner son sens à la promesse républicaine d’égalité »
Il a évoqué la nécessaire réflexion sur l’articulation entre agglos et grandes Régions notamment en matière de compétence économique. Et il s’est interrogé le périmètre à venir des délégations de compétences.
Il a reçu comme écho de la part de Jean-Luc Moudenc, désormais président de la nouvelle association d’élus, la même conviction : le fait urbain est « le vecteur de la croissance et de la transition énergétique ». « La France urbaine est indispensable au monde rural » a proclamé le président de Toulouse Métropole, soulignant que les grandes villes et leurs intercommunalités n’étaient pas un club select et « haut de gamme » méprisant envers les autres territoires.
« Il ne faut pas s’opposer à la France rurale ».
Premier ministre comme président de « France Urbaine » ont comme un seul homme évoqué la nécessaire légitimation démocratique des grandes intercommunalités. Nul doute qu’au fléchage expérimenté dès 2014 succédera en 2020 le suffrage universel direct.
Plus généralement, le nouveau Président de France Urbaine a tenu à resituer la fondation dans la période actuelle. Le monde actuel des collectivités locales « datés d’il y a 30 ans » à la première décentralisation « est à un tournant. »
Aussi la fondation de « France Urbaine » s’inscrit-elle dans un contexte de refonte. Le Président de France Urbaine a ainsi cité l’alignement de la Fonction Publique Territoriale (FPT) sur celle de l’Etat (titularisation, avancement des carrières, etc.). De nouvelles dispositions sont à mettre en œuvre sur l’autonomie fiscale, notamment, en large perdue depuis la réforme des finances locales de 2010.
Nous y ajouterons qu’avec la fin programmée en 2017 du cumul des fonctions d’élu local et parlementaire, « France Urbaine » a vocation à devenir le bras armé des maires des grandes villes et présidents de leurs intercos auprès de l’Etat et des Assemblées. Elle se veut ainsi une force de proposition, capable de suggérer projets de lois et amendements, bref, de « peser » auprès du réformateur aussi bien que du législateur.
Ne parlons pas de « lobby », ce bien vilain mot péjoratif. Disons plutôt qu’il s’agit d’une antichambre vers les instances nationales de la part d’élus craignant d’être relégués à des « nains politiques » avec la fin du cumul.
L’Etat et les collectivités : « Je t’aime, moi non plus »
Le premier ministre était venu enfin avec dans son panier la baisse de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF). Elle a débuté en 2014. Jean-Luc Moudenc a chiffré à 65 milliards d’euros le manque à gagner pour les collectivités sur la mandature 2014-2020. Avec, à l’horizon, un effet ciseau où l’investissement local, demandé de plus aux plus aux grandes villes et à leurs agglos au nom de la reprise économique, va croiser le recul de ces dotations versées par l’Etat : « Une double peine » a-t-il résumé.
Le premier ministre a de son côté mis en avant les premiers effets de ces économies partagées entre l’Etat et les collectivités en matière de redressement des comptes publics : un recul du déficit passé de 5,1% en 2011 à 3,9% en 2014 » et « à moins de 3% de déficit en 2017 ». Puis d’annoncer ou du moins confirmer un fonds de 1 milliard d’euros affecté au monde urbain.
Mais côté coulisses et lors de la conférence de presse qui a succédé à ce congrès fondateur de « France Urbaine », on se faisait pourtant moins optimiste sur ce partenariat entre Etat et collectivités. L’heure était pourtant l’occasion d’amabilités et de réjouissances. Mais Gérard Collomb a tiré la sonnette d’alarme. « Les attentes demeurent insatisfaites par le premier ministre ».
La seule Métropole de Lyon sera selon ses comptes privée de 1 milliard d’euros de dotations d’Etat.
« Le premier ministre a cependant été mis en garde contre la brutalité de la réforme » a de son côté tempéré Jean-Luc Moudenc. Et l’élu de réclamer un étalement de la perte sur 5 ans au lieu de 3.
La La nouvelle association d’élus entrera officiellement en fonction au 1er janvier 2016. Ce « tir groupé » du monde des grandes villes et de leurs intercommunalités profitera à ses 99 membres revendiqués à l’heure actuelle, soit 30 millions d’habitants : un Français sur deux ! Ils sont réunis dans quatre collèges :
– – Métropoles et communautés urbaines ;
– – Communautés d’agglomérations ;
– Grandes villes ;
– Collectivités franciliennes.
Nul doute cependant que l’émulation liée à la création de la nouvelle structure ne manquera de valoir à « France Urbaine » de nouvelles adhésions : villes et intercos de 100 000 habitants et plus.
L’envol du mouvement des Métropoles
L’association prend son envol à l’heure où décolle lui aussi en France le mouvement des métropoles. Au 12 actuelles – dont 11 issues de la réforme actuelle et une (Nice Côte d’Azur) de la précédente – s’ajouteront dès le 1er janvier prochain deux nouvelles Métropoles. Ce sont celles, tant attendues, du Grand Paris et de Marseille Aix Provence.
Au total, le « parc » des métropoles comptera 11 établissements de droit commun et 3 de droit spécifique.
Il faudra compter sur la venue, peut-être l’an prochain, d’une 15ème Métropole : le Grand Nancy. André Rossinot, président de l’actuelle communauté urbaine et secrétaire général de « France Urbaine », a en effet obtenu ce nouveau statut de l’Etat.
Le mouvement des grandes intercommunalités sera également amené à prendre de l’ampleur avec l’élargissement du nombre de communautés urbaines. Au Grand Dijon l’an dernier se joindront en 2016 Clermont Communauté et en 2017 Saint-Etienne Métropole.
Et un potentiel de nouvelles communautés urbaines existe pour les années à venir : Mulhouse, Orléans, Angers, Toulon, Tours ou encore Perpignan ainsi que, par rapprochement, Reims et Châlons-en-Champagne.
Notons que toutes ces collectivités sont d’ores et déjà membres de « France Urbaine ».
- www.grandesvilles.org